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Publié le lundi 5 septembre 2016

Séminaire ACF 2016-17 – Le Havre

La bataille de l’autisme

Les jeudis 22 sept., 20 oct., 24 nov., 15 déc. 2016, 2 fév., 23 fév., 16 mars, 27 avril, 18 mai, 15 juin 2017 – 21h

Pour la quatrième année le séminaire « La bataille de l’autisme » va se poursuivre ; il s’inscrit dans les suites du combat pour la défense de l’abord clinique, épistémique et éthique des sujets autistes, soutenus par le discours analytique, partout où ils sont accueillis. Nous avons choisi de prendre au sérieux l’invitation faite par Éric Laurent dans La bataille de l’autisme1 de plonger nos hypothèses dans le réel de la clinique pour vérifier les effets qu’elles y produisent.

Le séminaire propose des allers et retours entre les travaux de recherche publiés dans le champ freudien et les constructions de cas tirés de notre pratique. Il est ouvert à tous ceux qui sont intéressés par ce pari à relever.

Notes :
1 Eric Laurent, La bataille de l’autisme, Navarin - Le Champ Freudien, 2012.

- 22 septembre 2016 :

La séance de « rentrée » du séminaire permettra de mettre au point le programme d’étude de l’année, avec la poursuite d’allers et retours entre des exposés cliniques, la lecture de textes « princeps » (La distinction de l’autisme de Rosine et Robert Lefort, La cure de l’enfant autistique de Martin Egge etc.), celle d’articles et le livre référence de Eric Laurent La bataille de l’autisme.

- 20 octobre 2016 :

Autisme ou psychose ? Cette question se trouve remaniée par le dernier enseignement de Lacan qui élargit la perspective. Il ne s’agit plus alors de partir du Nom-du-Père, de sa forclusion, mais de partir de la Jouissance Une, de la jouissance toujours en excès, non négativable et de l’invention toujours nécessaire comme travail pour traiter cet excès. L’orientation serait alors de « viser l’objet a dans le monde ». Il est donc proposé de travailler l’article de J.-R. Rabanel « Une clinique de l’objet a en institution » dans la Revue La Cause Freudienne 78 pp 64-76. Serge Dziomba en fera un commentaire.

- 24 novembre 2016 :

Lors de la dernière séance, l’étude de l’article de Jean-Robert Rabanel et du cas Aurore a permis de dégager deux modalités structurelles qui s’opposent : une structure branchée sur l’Autre et une structure où l’Autre n’existe pas, où est à l’oeuvre le Un de la jouissance qui fait trou dans le tissu des représentations du sujet, qui est toujours en excès, « dysfonctionnelle », excédant le corps conçu comme en deçà de l’image. Cette jouissance en excès ne peut être traiter par l’Autre qui se révèle dans sa nature de semblant. L’enjeu clinique et éthique est de trouver des modalités à partir de la jouissance réelle elle-même, le travail à partir d’un réel qui traverse le sujet peut ouvrir au lien social : tel est le pari inoui de la « clinique ironique ». Nous poursuivrons dans cette voie avec l’étude des trois premiers chapitres du dernier ouvrage des Lefort La distinction de l’autisme. Martine Beuzelin en fera la présentation.

- 15 décembre 2016 :

Lors de la dernière séance, Martine Beuzelin a présenté les trois premiers chapitres du dernier ouvrage des Lefort La distinction de l’autisme, en faisant l’effort de dégager les points de la structure autistique telle que les auteurs l’approchent.
1 la « pulsion » de destruction et d’autodestruction qui est une voie de retour sur le corps propre d’une pulsion forclose cherchant à trouer l’Autre là où ce trou n’existe pas
2- l’Autre n’existe pas et cette inexistence se révèle sous transfert. Il s’ensuit que l’Autre n’est pas porteur de l’image, du signifiant et de l’objet pour le sujet autiste
3- l’existence du double et l’absence de la dimension spéculaire, corollaire du point 2.
La discussion fut riche, amenant une référence au cours de J.-A. Miller publié dans le dernier numéro de lla Cause du désir 94 : « L’objet jouissance » étant une satisfaction qui se moque de la défense et qui est du côté du sujet - et non de l’Autre, et aussi une lecture à plusieurs autour d’une forclusion généralisée dans l’autisme portant sur la première opération de Bejahung : celle qui permet au sujet d’affirmer les premiers signifiants qui ont touché la jouissance de son corps et de laisser en dehors les autres signifiants. C’est cela, selon les Lefort, qui serait forclos dans l’autisme - pas d’affirmation, pas de choix. Une réflexion à poursuivre.
La prochaine séance sera consacrée au commentaire du quatrième chapitre consacré à Temple Grandin. Jocelyne Hourdin nous le présentera.

- 2 février 2017 :

La fois dernière, Jocelyne Hourdin a présenté de manière très vivante les inventions, leur genèse, et le parcours de Temple Grandin à partir de deux de ses ouvrages Ma vie d’autiste et Penser en images, en se référant au chapitre IV « Temple Grandin. Trouver son corps réellement » de la Distinction de l’autisme des Lefort mais aussi aux travaux de Maleval. La discussion nous a permis d’interroger le statut de ces inventions. Que traitent ces machines qui ont une origine « dure et rude » ? Les Lefort mettent l’accent sur le double animal là où il n’y a pas d’Autre ni d’image spéculaire, la machine à serrer s’articule au corps et tente de masquer la perte primordiale liée à l’entrée dans le langage. Pour Temple, il s’agit « d’être la vache » et non « d’être déguisée en vache ». On peut ajouter, avec Eric Laurent, que Temple s’identifie au pur regard affolé de la vache : la machine à serrer constitue un bord et, en permettant de donner une forme à ce pur objet, tend vers l’objet regard ; elle lui permet de se brancher sur l’Autre ; ces machines ont un rapport à la mort, et en participant à la mise à mort des vaches, la mort n’est plus pour Temple un pur réel continu, un « trou noir » ; ce dispositif permet l’extraction de quelque chose pour que la vie advienne. Avec ses machines, Temple s’est créé un certain savoir.

Nous poursuivrons la prochaine fois avec le Chapitre V « Donna Williams. La jouissance imminente de l’autre » que nous présentera Sylvie Vitrouil.

- Dans l’après-coup des séances du 2 février et du 23 février :
Lors des deux dernières séances, nous avons travaillé à partir des chapitres V et VI (Donna Williams. La jouissance imminente de l’autre ; Birger Sellin. Le forçage vain de l’entrée dans le langage).

L’intervention de Sylvie Vitrouil sera prochainement mise en ligne. Après avoir mis en exergue les différents points de la structure autistique dégagée par les Lefort, Sylvie a examiné le « rapport à un double constant qui voue (Donna Williams) à la perte d’elle-même », dans la « fusion la plus complète » et la « haine la plus extrême » - Deux touffes qu’elle agite ; puis Willie avec les deux yeux verts sous son lit qui lui permettent de fermer les yeux pour dormir, transformation probable des taches de lumière sur le mur dans lesquelles elle se « fondait » ; puis Carol, qui lui donne la consistance d’une « cruche » qui rigole de tout, corvéable à merci, faisant rire ; enfin le petit frère Tom dans le visage duquel elle voit ses sentiments, expérience terrorisante qu’elle retrouve sur la scène du théâtre lorsqu’elle voit le visage des spectateurs. Sylvie a souligné l’effort de Donna qui cherche des moyens pour sortir des doubles et être au plus près de ce qu’elle ressent dans ses rencontres mais qui finit toujours par partir brutalement, en proie à la peur d’être dévorée réellement.

En ce qui concerne Birger Sellin, Serge Dziomba est parti d’un rappel trés éclairant s’appuyant sur l’ouvrage d’Eric Laurent et sur la septième leçon du cours de J.-A. Miller L’être et l’Un : l’enfant autiste est immergé dans le réel dans lequel rien ne peut manquer, dans lequel il n’y a pas de trou et pas d’extraction mise dans le trou qu’il n’y a pas ; la seule réponse possible du sujet est l’automutilation comme tentative de créer un trou par forçage. Dés lors comment la jouissance fait-elle retour ? Sur un « néobord », celui d’un « corps carapace » qui n’est pas un corps à proprement parler mais une « limite quasicorporelle infranchissable » qui peut être desserrée dés lors que quelque chose s’y accroche, laissant un espace ni du sujet ni de l’Autre, articulé à un Autre moins menaçant. Serge a mis l’accent sur l’opération de l’effacement du « Un tout seul », celui qui est identique à lui-même et qui vient percuter une première fois le corps, marque de « ce qu’il y a » qui va être effacée au profit de « ce qu’il n’y a pas » - le manque, l’ensemble vide, le zéro, condition pour l’ouverture d’une série où l’élément effacé va se retrouver sous la forme de (n+1), répercuté par la série (0,1,2,3...n+1). Il s’agit donc de distinguer la forclusion du trou et le manque de l’ensemble vide/zéro. Dans l’autisme, la percussion initiale n’est pas médiée par l’ensemble vide, il n’y a pas d’annulation, pas d’effacement du Un qui fait choc, et l’accès à la série est impossible. Ceci éclaire le traumatisme initial de Birger : à 18 mois, alors qu’il est mis pour la première fois à la halte garderie, Birger rencontre la terreur, lorsque ses parents viennent le chercher il hurle comme un écorché vif et va s’enfoncer à partir de là dans un retrait - le Un de jouissance ne s’efface pas, alors que Birger n’a pas encore de « corps carapace ». Il va le construire avec les livres qu’il feuillette, cornant les pages jusqu’à les réduire en miettes, dont il va s’entourer par piles, puis par mur de cubes, puis sous la table ; et en faisant glisser inlassablement entre ses doigts des perles et des billes, ou du sable. Cet « entre les doigts » évoquant quelque chose du néobord rudimentaire - l’objet constituant un organe supplémentaire rattaché à son corps. Plus tard l’ordinateur et la « communication assistée » s’ajouteront à ce corps carapace. Serge a interrogé l’unique phrase prononcée par Birger « rends moi ma boule » (alors que son père s’était amusé à lui soustraire une de ses billes) - pourquoi a-t-elle été unique ? Est-ce lié à l’objet voix et à ce qu’implique parler ? A l’absence d’extraction de la jouissance de la parole ? Ce qu’il a rencontré à la halte garderie ne nous indique-t-il pas un trop de terreur pour incorporer la voix comme l’altérité de ce qui se dit ? Le refus de l’interlocution témoigne du refus de la singularité que donne l’objet voix (Birger témoigne dans ses écrits du dérangement extrême d’entendre tout ce qu’on dit en sa présence). Le langage et la voix sont dissociés et parler reste une pure mutilation - et non un « se jouir » en passant par l’Autre. Ici le sujet se jouit sans le trajet de la pulsion qui articule le corps à l’Autre ; le corps carapace enferme les organes qui ne sont pas organes d’échange. Birger nous enseigne sur la présence de l’angoisse pour un être « sans soi » qu’il nomme de façon lacanienne « la peur de la peur », il nous enseigne sur la volonté de réduire le langage à un système de règles sans équivoques qui reste extérieur au sujet et sur l’effort vers une répétition pure du Un où les choses obéissent à un ordre absolu. Il nous enseigne aussi sur les « effets zéro » de la musique et sur la poésie qui permettent une certaine « réduction des symptômes ».

- 16 mars 2017 :
La prochaine fois, le 16 mars, Jean-Yves Vitrouil reviendra sur l’image spéculaire et la constitution du spéculaire.

- Dans l’après-coup de la séance du 16 mars :

Jean Yves Vitrouil se propose de donner quelques repères (Work in Progress) à partir d’une lecture faite du Stade du miroir de J. Lacan. Ceci à partir de notre séance précédente et des interrogations sur ce qui n’opère pas du côté du miroir pour Birger Sellin.

1/ Le texte de la communication de J. Lacan du 17-07 1949 : « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je, telle qu’elle nous est révélée dans l’expérience analytique1 », questionne sur le corps et l’image du corps. L’image du corps est-elle préalable à l’entrée dans le langage ? (Et dans ce cas quid du défaut de cette construction de l’image ?)
Dans La bataille de l’autisme2, Éric Laurent introduit deux corps ; difficile d’entrer en relation avec l’autiste, dit de carapace – ce terme renvoie au fait qu’un sujet en l’absence d’enveloppe corporelle, ne réagissant pas à l’image de son corps, a mis en place, au lieu du miroir qui ne fonctionne pas, une néo-barrière corporelle, bulle de protection pour le sujet, sous laquelle il est totalement enfermé, il a sa capsule, bulle très solide pour se défendre des manifestations de l’Autre.
Dans « Radiophonie3 », Lacan différencie deux corps : le « corps du symbolique qu’il faut entendre comme nulle métaphore » et le deuxième « corps au sens naïf, soit celui qui s’en soutient ne sait pas que c’est le langage qui le lui décerne. Le premier corps fait le second de s’y incorporer » ; par l’opération d’incorporation le corps symbolique s’incorpore dans le corps naïf, celui qu’on peut pincer.
Comment faire s’il n’y a pas de corps ?

2/ En deçà du miroir
Dans L’autiste et sa voix4 Jean Claude Maleval dit, à propos de Birger Sellin, qu’il ne parvient pas à parler car il se trouve en deçà de tout miroir. Il est identifié à l’objet a déchet ou objet d’horreur (p 280).
Dans la cure de Nadia, Rosine Lefort (Naissance de l’Autre5 « Nadia et le miroir, Vie du regard ») nous montre que Nadia face au miroir veut se voir : elle demande à se voir, donne à l’objet une existence, le secoue, appuie l’objet contre elle ; le miroir crée un intérieur et un extérieur, elle a 19 mois, on est à la limite de la parole.
Point d’intelligence à partir du brevet d’existence et du jugement d’attribution dans la Verneinung

Quelques repères du texte « Le stade du miroir dans la fonction du Je »
3/ 1936 à Munich, Lacan est interrompu par Jones. Il nous reste deux textes : « Les complexes familiaux dans la formation de l’individu7 » : référence au complexe d’intrusion (p. 36) et « L’agressivité en psychanalyse8 » (p. 112)
L’enfant anticipe sur le plan mental la conquête de son corps encore inachevé. Première captation : Gestalt ; premier moment des identifications, la perception de la forme humaine fixe son intérêt dès les premiers mois et même pour les visages humains dès le 10ème jour. Ce qui démontre le phénomène de reconnaissance impliquant la subjectivité, c’est la jubilation triomphante et dès le sixième mois la reconnaissance de son image dans le miroir.

4/ Henri Wallon 1949 est ami de J. Lacan, médecin philosophe, psychologue.
Lacan fait des « emprunts » à Wallon : selon ce dernier, pour qu’il unifie son moi dans l’espace, il lui faut situer son moi extéroceptif – perception ; il le tient pour inaccessible à ses propres sens, l’image vue cesse de coïncider avec son corps. Il passe des images sensibles non réelles, aux images soustraites réelles. Ces substitutions d’images évoquent le prélude de l’activité symbolique. Alors que Wallon attribue ces constructions à une étape de développement, Lacan, lui, considère ce moment comme fondateur.
Baldwin James – mort en 1934 – est aussi une référence de Lacan dans « Les complexes familiaux », reprise dans le texte de 1949.

5/ « Le stade du miroir dans la fonction du Je9 »
Lacan s’oppose aux philosophes du cogito, à Sartre. Le petit d’homme reconnaît son image dans le miroir comme telle, par la mimique illuminative dite d’aha-erlebnis (Karl et Charlotte Bülher), événement de vie, qui ne s’épuise pas, temps essentiel de l’acte d’intelligence, rebondit aussitôt en une série de gestes ; il éprouve la relation des mouvements assumés de l’image à son environnement reflété, et de ce complexe virtuel à la réalité qu’il redouble, soit à son propre corps , et aux personnes, voire aux objets qui se tiennent à ses côtés.
Pour Rosine et Robert Lefort, dans Naissance de l’Autre, face au miroir ce qui démontre la subjectivité, ce sont les signes de jubilation de l’enfant face au miroir.

6/ L’assomption jubilatoire
Cet évènement de reconnaissance peut se produire depuis l’âge de six mois. L’enfant tente une captation, esquisse une gesticulation qui équivaut à une identification. Il se produit une transformation quand il assume son image ; Lacan fait usage du terme d’imago. Cette assomption jubilatoire, ce stade infans est exemplaire, c’est la matrice du symbolique. Moment fondateur pour Lacan.
Pour Wallon sa vision est une progression comportementale.
« Le Je se précipite dans une forme primordiale avant qu’il ne s’objective dans la dialectique de l’identification à l’autre ».
Le langage restitue sa fonction de sujet, doit résoudre la discordance avec sa propre réalité.

7/ la Gestalt : c’est la forme totale du corps, qui devance dans un mirage la maturation de sa puissance, c’est une extériorité où cette forme est davantage constituante que constituée.
Davantage liée à la notion d’espèce, elle symbolise la permanence mentale du Je en même temps qu’elle préfigure sa destination aliénante. L’imago est vu comme développement final, tel le papillon issu de la chrysalide.
Lacan fait référence à Lévi-Strauss (p. 95 « L’efficacité symbolique »), mais pour en interroger la pénombre de l’efficacité symbolique dans la question des « visages voilés » ; (« l’image spéculaire semble être le seuil du monde visible, si nous nous fions à la disposition en miroir que présente l’hallucination et dans le rêve l’imago du corps propre ») ; la question du pouvoir des mots dans les processus cultuels est aussi questionnée dans Tristes tropiques anthropologies culturelles.

8/ De l’Innenwelt à l’Umwelt : la rupture (p. 96-97)
Dans la captation spatiale que manifeste le stade du miroir, Lacan souligne l’insuffisance organique de la relation du corps au monde extérieur : le stade du miroir se constitue comme « drame »,
Discorde primordiale (neikos), trahi par les signes de malaises et l’incoordination motrice. Cette notion objective de l’inachèvement anatomique constitue un état dit de prématuration spécifique. Ce développement est vécu comme une dialectique temporelle qui projette en histoire la formation de l’individu. Mais on se heurte :
-  À l’insuffisance d’anticipation possible, le sujet est pris au leurre des identifications spatiales, des fantasmes d’une image orthopédique totalisante (faisant suite à celle morcelée)
-  À l’armure enfin assumée d’une identité aliénante qui, elle, va marquer son développement mental.
Ainsi « cette rupture du cercle entre l’Innenwelt et l’Umwelt engendre-t-elle la quadrature inépuisable des récolements du moi10 ». Le morcèlement, présenté dans la peinture visionnaire de Jérôme Bosch, se manifeste dans les rêves, « plus tangible encore dans les symptômes de schize ou de spasme de l’hystérie. » Corrélativement la formation du Je se symbolise dans les fantasmes (à la Vauban de l’obsessionnel), la formation onirique se symbolisant par une arène, un camp retranché, un château fortifié. Le récolement passe par la vérification du membre et de l’état, vérification des constructions établies, vérification de l’intégration.
Marie Françoise reste en deçà du stade du miroir.
Nadia s’engage dans le processus.

Proposition est faite de lire pour la prochaine séance le texte d’Éric Guillot « Qu’est-ce qui fait tenir l’image spéculaire ? Letterina archives n° 3 et de donner un écho du texte « Conférence de Genève sur le symptôme » à propos de la captation imaginaire, publiée dans le dernier numéro de La cause du désir n° 95.

Martine Desmares

Notes :
1 J. Lacan, « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je, telle qu’elle nous est révélée dans l’expérience analytique », Ecrits, Seuil, Le champ freudien, Paris, 1966, p. 93.
2 E. Laurent, La bataille de l’autisme, de la clinique à la politique, Navarin, Le champ freudien, p. 65.
3 J. Lacan, Autres Ecrits, Seuil, Le champ freudien, Paris, 1966, p. 409.
4 J.-C. Maleval, L’autiste et sa voix, Seuil, Champ freudien, Paris, 2009
5 R. et R. Lefort, Naissance de l’Autre, Seuil, le champ freudien, Paris,
6 J. Lacan, op. cité, Ecrits, p. 93.
7 J. Lacan, « Les complexes familiaux dans la formation de l’individu », Autres écrits, Seuil, Champ freudien, Paris, 2001, p. 36.
8 J. Lacan, « L’agressivité en psychanalyse », Ecrits, op. cité, p. 112
9 J. Lacan, Op. Cit., p. 93.
10 Récolement : (définition wiki du Latin classique recolere « pratiquer de nouveau », d’où repasser en revue, faire un inventaire, opération de contrôle de la présence de papiers ou d’objet.)

- 27 avril 2017 :
Jean-Yves Vitrouil poursuivra son exploration de la constitution du spéculaire, en reconsidérant le stade du miroir.

- 18 mai 2017 : séance annulée

- 15 juin 2017 :
Nous relirons les pages 138-139 de Naissance de l’Autre pour éclaircir la séquence du 16 janvier, le passage qui opère la mise en jeu que fait Nadia de son propre corps (chu aux pieds de Rosine Lefort) devant le miroir d’abord comme objet métaphorique de Rosine puis se faisant elle même objet métonymique.

A partir de {La distinction de l'Autisme<sup class="typo_exposants">1</sup>} de Rosine et Robert Lefort (Chapitre 4 et chapitre 5) :

A partir du livre de Temple Grandin2, dans le chapitre 4 de La distinction de l’autisme, Rosine et Robert Lefort élaborent sept points que je propose de rappeler dans un premier temps. Puis, dans le chapitre 5, c’est la question du double qui sera traitée par rapport à Donna Williams.

Temple Grandin : Trouver son corps réellement3

1) Violence et destruction : Il n’y a pas d’Autre. Son rapport aux objets est de les jeter ou de les détruire. Temple remarque la peur de sa mère face à ses réactions de rejet –d’elle-même et de l’autre.

2) Absence radicale de l’Autre en tant que signifiant qui civilise. Pas d’aliénation signifiante symbolique possible par manque de S1, qui fait jouissance et qui représente le sujet. La parole de l’Autre qui ne le représente pas est intrusive et provoque la violence. Cela a trait au réel.
Dans la psychose tout est dû à l’Autre. Il s’agit de ne pas le décompléter, il n’en est pas barré.
Du fait de la parole réelle, une telle jouissance de l’Autre provoque le refus de l’autiste, au pire le mutisme – ou bien le savoir du vouloir dire sans les mots pour le dire. Mais une écriture s’avère possible pour construire un bord ou un néo-bord.

3) Pas d’objet pulsionnel.
Le rapport à l’Autre qui passe par la demande est proprement impossible, ni le sein, ni l’excrément ne sont articulés à la parole, encore moins au sens.
Mais l’entendu et le regard sont hyper présents et donnent lieu à une hyper sensibilité sensorielle, qui pousse à la destruction de l’objet pour s’en déprendre. Le rapport moi /non moi n’existe pas. Le toucher est en jeu du côté de l’objet de l’autre. Temple est l’objet dans l’horreur du réel. Elle mentionne par une anecdote son rapport au petit autre : elle a mis 25 ans pour serrer la main de quelqu’un et le regarder en face.

4) Le double
Un personnage de série télévision lui sert de double. Elle lui parle à voix haute et en fait quelqu’un capable de contrôler et de l’aider dans son quotidien :
-  Le boute-en-train de sa classe qui la fait rire, en sera un également,
-  L’animal, le chien, puis la vache de la trappe à bétail
Il remplit deux fonctions
1) de stimulation
2) d’environnement

Le double n’est pas une identification mais la vie est centrée voire organisée par le double.

5) Le miroir dans le réel
Absence radicale de son image spéculaire : i’(a) est remplacé par i(a)

6) Tout est réel
Elle donne un exemple, elle entend cette phrase au prêche qui la marque fortement : « Je suis la porte, tout homme qui passera par moi sera sauvé » – Elle n’aura de cesse de chercher, puis elle trouve la porte qui ouvre sur le toit.

7) La question du (a) et du (-φ)
En ce qui concerne le (a) : c’est le double qui essaie d’y pallier et qui peut avoir une fonction de suppléance.
Sans accès au (-φ) pas de sexuation ni de manque.

Le double est dans le réel mais peut faire séparation de l’Autre.

Donna Williams : La jouissance imminente de l’autre4

« C’est bien d’autres dont il s’agit dans son rapport à un double constant qui la voue à la perte d’elle-même, à la fusion la plus complète, mais aussi bien à la haine la plus extrême et donc à la destruction la plus complète et forcément à l’autodestruction puisque celle de l’autre est aussi la sienne. » nous disent R. et R. Lefort5.

Ce premier double apparaît au moment où Donna se fond dans les taches, celles principalement de la lumière, des couleurs sur les murs. Elle est dans une jouissance mortifère incessante - se laisser absorbée et vivre par les taches de lumière. Elle invente sous la forme d’yeux verts clairs cachés sous son lit, son premier double - Willie. Il est une manière de traiter sa peur, elle qui ne peut dormir que les yeux ouverts.

Il aurait à voir avec son nom de famille (tous les auteurs sont d’accord pour cela Maleval6, Egge7, R. et R. Lefort) et peut-être (hypothèse de R. et R. Lefort) avec le frère de Donna « qui tenait lieu d’enfant unique, indispensable à la mère ». La mère et le fils aîné se liguent contre Donna qui le leur rend bien involontairement. A douze ans, ils ne l’appelaient plus que « La folle ». Une grande partie de son enfance et de son adolescence, elle redoutera d’être enfermée en hôpital psychiatrique.
Dans la famille, la mère, à un moment, interdit au père de parler à sa fille, ce qu’il fera. Il disparaîtra de leur vie pendant quelques années et réapparaîtra quand Donna a 9 ans.

Le père entre en contact avec sa fille par :
- les chatouilles sur les avant- bras, Donna qualifiera les avant-bras de « lieu impersonnel ».
- avec les objets qu’il lui donne et qu’ensuite elle se mettra à collectionner, boîtes à trésors qu’elle emmène partout.

Le second double, Carol se construit lors d’une rencontre dans un parc. Elle se balance sur une haute branche de son arbre préféré, en riant beaucoup, marquée au visage du rouge à lèvres de sa mère. Carol l’emmène chez elle et la mère la lave, lui donne à manger et est gentille avec elle. Elle précise qu’elle ne sait comment faire pour prendre le goûter, puis elle imite Carol. Elle part très vite effrayée par ce qui vient de se passer, surtout parce que la mère lui dit : « tu peux revenir quand tu veux ». Elle n’y retournera jamais, mais raconte à partir de ce moment ses jeux dans le miroir. Elle entame une sorte de conversation avec Carol qui lui ressemble, dit-elle, trait pour trait : « et elle se mit à faire tout ce que je faisais ». Ici, remarque R. Lefort, le double est devenu l’image spéculaire dans le Réel et pour la retrouver Donna marche droit vers le miroir cherchant à passer au travers pour entrer dans son monde mais elle bute toujours. Pour Donna il s’agit dans la rencontre avec le petit autre « d’entrer dans le monde ». Elle distingue parfaitement la différence entre son monde et le monde de l’autre. Ne pas pouvoir entrer dans le monde de Carol la met dans une colère terrible, elle se frappe et s’automutile. Mais elle ne peut abandonner Carol sinon elle se sentirait abandonnée, je pense même anéantie. Elle se frappe pour ressentir quelque chose. Les Lefort précisent que dans la structure autistique l’imaginaire se confond avec le réel.

Une précision pour la question de la violence : si c’est quelqu’un d’autre qui lui inflige une violence, cela ne lui fait pas sentir son corps. Et dans la relation à sa mère, elle mettait un point d’honneur à ne rien ressentir, ce qui bien sûr faisait enrager la mère. Ce type de relation se reproduira bien des fois pour elle.

Le troisième double, c’est son petit frère Tom, qu’elle décrit comme appartenant à son monde mais l’intrusion sera terrible car elle voit les « sentiments » sur le visage de son petit frère et cela deviendra insupportable. Aux trois ans de Tom elle dit : « quand il pleurait et criait, c’était son visage mon propre miroir qui avait crié, donc moi aussi. Aucun son ne devait plus en sortir. Je ramassais mon petit frère, et le mettais dans le placard. Il se chargeait de ressentir mes émotions et de les exprimer à ma place... Mon petit frère m’effrayait en me donnant le sentiment de ma propre réalité8. »

La réalité propre de Donna au travers des doubles :

Donna pose donc deux choses par rapport aux doubles, surtout Willie et Carol qui l’ont accompagnée jusqu’à 26-28 ans, moment où elle écrit le livre : par les doubles elle peut connaître le monde, ils lui permettent d’avoir une vie sociale et d’étudier.
- Pour étudier il faut qu’elle soit dégagée de ce qui concerne la sphère affective.
- Pour avoir une vie sociale elle endosse le double de Carol qui lui donne la consistance « d’une cruche ou d’une imbécile heureuse », c’est-à-dire qu’elle se plie à tous les désirs et demandes de l’Autre, sans discernement.

A seize ans elle quitte le domicile familial sur injonction de la mère, après avoir fait un parcours scolaire chaotique d’écoles spécialisées en écoles de banlieue dont elle est renvoyée. De douze à seize ans, à certains moments elle ne pouvait dormir chez ses parents, elle dormait dans des garages, des soupentes, au mieux chez des amis, et errait déjà dans la ville etc… Elle travaille de façon infatigable, n’a aucun ami, est une proie facile pour des paumés qui la voyant sans défense, lui piquent son argent, squattent chez elle, abusent d’elle. Pour essayer de pallier à tout cela elle change pendant un moment de logement tous les deux mois. Puis, épuisée, elle va à l’hôpital où elle fait une bonne rencontre en la personne de Mary, psychiatre, qu’elle rencontrera pendant deux ans au moins deux fois par semaine. Point d’ancrage, ce psychiatre la persuade de reprendre des études, ce qu’elle va faire avec un grand succès puisqu’elle deviendra : chercheur en sciences sociales.

Donna aura de nouveau un moment difficile à la fin de ses études, puis entame un voyage en Europe (Angleterre, Belgique, Pays Bas, Allemagne), ou bonnes et mauvaises rencontres se succèdent.
Pour partir, elle rassemble des objets, babioles hétéroclites, qui représentant lieux, sensations et êtres proches. Elle les ordonne de façon spécifique comme cela aurait été avec les humains, si elle l’avait pu. Une autre expérience la marque à Londres lorsqu’elle accède sur la scène à un rôle de comique : elle fait partager son « sentiment d’étrangeté et de décalage par rapport à la vie réelle ». Le public apprécie beaucoup et elle se trouve confrontée une fois de plus au dilemme de sa vie, sa propre solitude incarnée par le double Carol, et la chaleur, la convivialité qu’elle voit dans les yeux du public. Elle ne peut gagner sa vie sur ce point et rompt son engagement.

Ecrire le livre lui permet de transmettre comment elle lutte, se débrouille avec les deux doubles qui souvent la mettent dans des situations impossibles. Elle cherche en quelque sorte Donna, au milieu de « ses deux compagnons de vie » qui l’aident à certains moments pour se dégager de ce qu’elle appelle « les pressions affectives ». Les émotions qu’elle ressent, ne sont jamais exprimables, elle vit dans les objets que sont ses doubles. Pour acquérir le savoir nécessaire à la vie universitaire et à la vie affective qui la terrorisent, elle fuit la rencontre avec les petits autres puisqu’elle a peur ou d’être avalée ou de la mort. Etre en relation avec quelqu’un, un petit autre, c’est le risque perpétuel d’être dévorée réellement donc d’être confrontée sans arrêt à une jouissance qui l’anéantit.

Sylvie Vitrouil

Notes :
1 Lefort Rosine et Robert, La distinction de l’autisme, Champ Freudien, Seuil, 2003
2 Grandin Temple, Ma vie d’autiste, Odile Jacob, 1994
3 Lefort Rosine et Robert, La distinction de l’autisme, Champ Freudien, Seuil, 2003, chapitre 4, pp. 55-62
4 Ibid., chapitre 5, pp. 63-70
5 Ibid., p.63
6 Maleval Jean-Claude, L’autiste et sa voix, Champ Freudien, Seuil, 2009
7 Egge Martin, La cure de l’enfant autistique, L’Harmattan, 2016
8 Williams Donna, Si on me touche, je n’existe plus, J’ai Lu, 1992, p.51.

Ce séminaire a lieu de 21 h à 23 h les jeudis 22 septembre, 20 octobre, 24 novembre, 15 décembre 2016, 2 février, 23 février, 16 mars, 27 avril, 18 mai, 15 juin 2017..

à l’UCID, Hôpital Pierre Janet, 47 rue de Tourneville, Le Havre (76)
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Renseignements :
Sylvie Vitrouil 02 35 42 19 21
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