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Publié le mardi 17 octobre 2023

Les membres proposent... 2023-24

Le réel

Les mardis 21 nov., 19 déc. 2023, 23 janv., 20 fév., 19 mars, 16 avril, 28 mai 2024 - 20h30 - Rouen ou visioconférence

Burhan Doğançay, Clean & Bright








Nous proposons sept soirées de novembre 2023 à mai 2024, comportant chacune deux exposés d’une demi-heure et une large place à la discussion.
Quatorze intervenants s’attacheront à aborder le concept de réel chacun à partir du point où il en est dans son travail théorique, son analyse ou sa pratique clinique, et proposera un exposé étayé sur un texte de Freud et/ou de Lacan.


Argument :



« Le symbolique, l’imaginaire et le réel », c’est avec ce titre de conférence qu’en juillet 1953, Lacan inaugure la Société française de psychanalyse. L’accent donné est celui de la nouveauté : une nouvelle association de psychanalyse en même temps qu’une nouvelle lecture de la réalité psychique. La nouveauté est double : le principe d’une tripartition de la réalité psychique et l’apparition du réel.
À l’époque, avec ce titre, Lacan est très en avance sur Lacan. La combinaison des trois catégories deviendra une question permanente des séminaires mais devra attendre longtemps avant de trouver son support final du nœud. Quant au réel, il va devoir aussi attendre un peu pour recevoir son concept. En 1953, l’imaginaire est présent depuis longtemps dans l’enseignement de Lacan, et le symbolique, issu de la linguistique structurale, commence à y faire son entrée retentissante, par contre, durant les premiers séminaires, le réel est bien rarement mentionné et peu explicité, même si, dès le premier séminaire, peut se lire une formule aussi étonnante par sa modernité que : « La parole introduit le creux de l’être dans la texture du réel1 ». Le réel attendra le séminaire L’éthique de la psychanalyse pour être théorisé.

Le réel serait-il trop philosophique pour entrer dans la boîte à outils de la psychanalyse ? La question est légitime. Après tout, la philosophie est le nom de cette longue recherche au service d’une pensée visant à mettre la main sur le réel. Une pensée qui, lorsqu’elle s’empare de quelque chose du réel, quand elle le comprend, l’appelle vérité, vérité au sens de Saint Thomas d’Aquin, soit l’adéquation de la chose et de la pensée (adæquatio rei et intellectus), formule qui est validée par toute la scolastique. La psychanalyse se détourne de la philosophie et de sa vérité, il ne s’agit pas pour elle de mettre le mot adéquat sur la chose réelle et ceci pour une raison simple, le réel en jeu, notre réel, n’est pas, comme pour la philosophie, celui du monde, du monde pensé, le réel en jeu pour nous est celui sur lequel tombe chaque sujet considéré dans sa singularité. Nous laissons donc à la philosophie la tâche de transpercer l’écran de la représentation ou de la perception pour tenter de connaître le réel du monde et centrons notre pratique sur la tentative de déchiffrer un réel propre à chaque sujet. Le réel de Das Ding, la chose de Lacan, sera impossible à mettre en commun, tandis que la chose de la philosophie en étant chose en soi démontre sa vocation à l’universel.

Par rapport à la philosophie, la rupture psychanalytique s’effectue dès le départ. En effet, pour Freud, la perception du monde n’est pas l’affaire exclusive de la pensée, c’est l’affaire du plaisir. La représentation du monde est avant tout soumise au plaisir. Aucune philosophie n’était allée aussi loin dans sa remise en cause de la domination de la pensée et de son outil la raison !
Et la rupture freudienne s’affirme encore plus avec l’idée de subordonner la réalité du monde, sa représentation, à la clinique. « Toute névrose a pour conséquence, et donc vraisemblablement pour fin, d’expulser le malade hors de la vie réelle2… »
Deux textes de Freud sont incontournables qui traitent de la détermination de la réalité par la clinique : « Névroses et psychoses » (1924) et « La perte de la réalité dans la névrose et dans la psychose3 » (1924). La névrose trouble le rapport du malade à la réalité en recourant au mécanisme du refoulement, elle ne la dénie pas, elle ne veut rien en savoir. La psychose, elle, dénie la réalité et cherche à la remplacer. Ce terme de déni méritera d’être précisé. Freud utilise ailleurs le terme de faille en parlant d’une faille initiale dans la relation du moi et du monde extérieur ; ce qui le conduit à considérer la folie, non pas comme un dysfonctionnement mais comme « une pièce que l’on colle là où initialement s’était produite une faille dans la relation du moi au monde extérieur4 ». Sans cette suppléance, le fragment de réalité repoussé revient sans cesse forcer l’ouverture vers la vie psychique5.
Sont introduites, avec cette théorie du fragment de réalité repoussé, les notions de refus, d’extérieur à la réalité, de pente au retour de ce fragment, d’un retour dangereux et par conséquent d’une défense contre le danger de ce retour, défense qui n’est autre, selon Freud, que ce en quoi consiste la folie, et que Lacan appellera le symptôme. C’est dans le sillage de cette théorie que Lacan va lancer son réel en reprenant le cas de la brève hallucination de l’homme aux loups produisant la vision de son doigt coupé ne tenant plus que par un tout petit bout de peau. Freud dit que l’hallucination est le retour de ce qui a été refusé non pas au sens du refoulement (qui correspondrait au symbolique) mais au sens de la Verwerfung — traduit par Lacan forclusion (et correspondant à un autre mécanisme que symbolique). C’est sous cette forme clinique de l’hallucination, et en tant que la forclusion veut dire étranger au symbolique, que, Lacan introduit son réel en 1955 : « Tout ce qui est refusé dans l’ordre symbolique, au sens de la Verwerfung, reparaît dans le réel6. »
Ce réel, d’une espèce bien différente de celui de la philosophie, n’a rien d’inerte et rien des accommodements de la vérité, il est plutôt impossible à supporter. C’est pourquoi le sujet, par rapport à lui, s’emploie à s’en défendre. Jacques-Alain Miller rappelle que « ce que nous appelons les structures cliniques, ce sont autant de modes d’éviter le réel, c’est-à-dire aussi bien, autant de modes d’avoir rapport avec ce réel7 ». Quant au soignant, il aurait tort de se croire logé à une autre enseigne, Lacan le lui rappelle lors de son ouverture de la Section clinique : « La clinique est le réel en tant qu’il est l’impossible à supporter8 ». Mais paradoxalement, cela ne défend pas à ce soignant d’être porté par un désir de mettre en acte cette pratique bien singulière consistant à consentir à une rencontre où l’insupportable de ce qui a été réel pour un autre est accueilli.
Ce qui est hétérogène au symbolique et à l’imaginaire et qui est impossible à supporter va constituer l’axe que suivra la suite de l’approche de Lacan jusqu’à son tout dernier enseignement dont le ressort n’est autre que le nœud borroméen qui donne au réel une fonction équivalente au symbolique et à l’imaginaire dans la constitution de la réalité psychique. Après le moment précurseur du retour du forclos, puis de l’introduction de la chose réelle sous les traits de Das Ding, se succéderont des étapes qui, chacune, sera l’occasion de reprendre, modifier, faire évoluer la définition et le rôle du réel. Ce sera, pour n’évoquer que quelques exemples, l’entrée de l’objet a dans le réel (dans le Séminaire X, L’angoisse), l’arrivée des objets lacaniens que sont le regard et la voix, l’intégration de a à l’écriture des discours, la création de l’objet plus-de-jouir… Autant d’étapes qui décrivent une articulation toujours plus accentuée de l’objet réel avec le signifiant. Son intégration au symbolique va d’ailleurs être poussée jusqu’à le faire terminer en semblant de réel dans le Séminaire XX, Encore9. Ceci étant, loin de disparaître du paysage théorique, le réel réapparaîtra alors sous la forme du symptôme, puis du nœud borroméen.
Toutes ces étapes de mise en valeur du réel, qui en appellent beaucoup d’autres, relèvent du choix de chaque pratiquant du « Séminaire », et sont autant d’exemples de défense contre le réel, ce qui s’appelle la clinique.

Éric Blumel

Notes :
1 Lacan J., Le Séminaire, Livre I, Les écrits techniques de Freud, 9 juin 1954, Seuil, p. 254
2 Freud S., « Formulations sur les deux principes du cours des événements psychiques » (1911), Résultats, idées, problèmes I, PUF, 1984, p. 135.
3 Freud S., op. cit., p. 283 et p. 284 pour chacun des deux textes.
4 Ibid., p. 285.
5 Ibid., p. 302.
6 Lacan J., Le séminaire, Livre III, Les psychoses, (16 novembre 1955), Seuil, 1981, p. 21.
7 Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Cause et Consentement », (1987-1988), enseignement prononcé dans le cadre du Département de psychanalyse de l’université Paris VIII, leçon du 4 mai 1988, inédit.
8 Lacan, Ouverture de la section clinique, Ornicar ?, n° 9, Paris, 1977 (cité dans le texte par l’auteur).
9 L’expression exacte est : « semblant d’être » qui dans ce contexte est interprétable comme semblant de réel. Lacan J., Le Séminaire, Livre XX, Encore, (20 mars 1973), Seuil, 1975, p. 85 et p. 87.


Mardi 21 novembre 2023 : Marion Maurel & Bertrand Barcat
Mardi 19 décembre 2023 : Nathalie Herbulot & José-Luis Garcia-Castellano
Mardi 23 janvier 2024 : Eric Blumel & Maxime Chesneau
Mardi 20 février 2024 : Zoé Deveaud & David Coto Lydie Lemercier
Mardi 19 mars 2024 : Elisa Ali-Chérif & Xavier Roux
Mardi 16 avril 2024 : Samantha Anicot & Elodie Guignard
Mardi 28 mai 2024 : Héloïse Dupont & Manuela Baty


Ce séminaire est organisé par Bertrand Barcat, Éric Blumel et José-Luis Garcia-Castellano.

Il aura lieu les mardis 21 novembre, 19 décembre 2023, 23 janvier, 20 février, 19 mars, 16 avril, 28 mai 2024 à 20h30 à la Maison de la psychanalyse
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Maison de la psychanalyse en Normandie,
48 rue l’Abbé de l’Epée, à Rouen (76).
Consulter le plan d’accès »

Les personnes qui ne peuvent pas se déplacer à la Maison de la psychanalyse pourront assister aux soirées en visioconférence.

L’accès aux soirées est libre, avec participation aux frais : 5 € par soirée ou 25 € pour l’année et pour l’ensemble des séminaires proposés par l’ACF-Normandie. Réduction de 50 % pour les étudiants.

Si vous souhaitez recevoir les textes à l’avance ou assister à une ou plusieurs séances du séminaire en visioconférence, contactez Bertrand Barcat, Eric Blumel ou José-Luis Garcia-Castellano

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