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Publié le mercredi 9 décembre 2020

L’Edito de la déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Calligraphies

Décembre 2020

Ce 6 Décembre

« Quand je passais ma thèse sur la Psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, un de mes maîtres me pria de formuler ce qu’en somme je m’y étais proposé : « En somme, Monsieur, commençais-je, nous ne pouvons oublier que la folie soit un phénomène de la pensée… » Je ne dis pas que j’eusse ainsi suffisamment indiqué mon propos : le geste qui m’interrompit avait la fermeté d’un rappel à la pudeur. » Jacques Lacan, « Propos sur la causalité psychique », Ecrits, p162.

Ce qui était pour Lacan « rappel à la pudeur », si difficile à entendre pour nos maîtres, maintenant est-il pour nous différent ? L’actualité ne nous donne-t-elle pas des signes que « de la folie on ne doit pas parler » ? Comme de ce qui choque, ou qui excuse l’inexcusable ? Ou qui est si banal comme désordre, si facile à expliquer par une intention mauvaise, voire une disposition native « de le faire exprès » pour gêner les autres ? J’ai toujours eu des difficultés avec ce mot « Pudeur » dans ce contexte.

« Le grec connaît le terme aidôs. C’est un terme complexe signifiant à la fois la pudeur, le sentiment de l’honneur, la honte, la modestie, la crainte, le respect, et pourtant non dépourvu de connotations érotiques. Il est lié au regard porté sur soi par les autres, interdisant des conduites dont on pourrait rougir. Il est l’expression de la retenue, attitude communément associée à la respectabilité vis-à-vis de soi, comme des autres. » Deschodt, Gaëlle. « La pudeur, une clé de lecture du mariage grec ancien ? », Hypothèses, vol. 13, n°1, 2010, pp. 141-153.

Alors ?

Mon expérience me remet en mémoire tant les colères que mon discours, par exemple à propos des enfants accusés d’être « voleurs » ou « menteurs » dès les premières années de la maternelle, alors que ces conduites chez ces enfants singuliers, un par un, surviennent dans des contextes où cela n’a aucun sens autre que celui de la projection du terme par l’adulte, sur l’incompréhensible et l’inexplicable. Mais actuellement je lis que ces phénomènes ne sont pas tout à fait inexplicables. Il y a des explications extraordinaires à base de concepts neuroscientifiques qui expliquent nos conduites irrationnelles par des jeux internes d’intérêts, évidemment très personnels - et qui semblent être assez personnels pour attirer l’attention sur l’auteur de l’article - qui deviennent (comment ?) génétiques et aident à la sélection bien sûr du meilleur ! C’est à dire Nous ! C’est l’évidence même ! D’ailleurs la génétique c’est la sélection ! Ah ? Et ce mot « sélection », il a été utilisé par qui et dans quel contexte, et pour dire quelle action concrète ? Hum, ce n’est pas la bonne direction.

Un psychiatre, lu dans la revue de mon syndicat, écrivait que les anglo-saxons se sont montrés très peu intéressés par la folie et ses déclinaisons, telle qu’elle était déployée à la fin du dix-neuvième siècle en France et en Allemagne. De fait, il semble bien que l’industrie pharmaceutique anglo-saxonne ait plutôt préféré des recherches sur les antidotes à la tristesse. Est-ce le retour de l’impensé de la réussite de la guerre dite de l’Opium qui opposa l’Angleterre victorieuse à la Chine millénaire ? J’ai parfois de drôles d’idées !

Ce qui est sûr c’est que maintenant les recherches sur les produits utilisés en médecine ne sont plus vraiment pensés à partir de « malades ». Plutôt des souris, ou autres bestioles si utiles, dans des laboratoires où pas un patient ne rentre. Puis vient le moment où les tests sont faits sur des volontaires « sains ». Enfin les « études cliniques » viennent. Hum, arrêtons-nous là. Je vais parler gros sous dans un contexte qui ne le veut pas.

Donc, si par hasard, la folie est « un phénomène de la pensée » et que la parole puisse avoir un peu d’influence ? Ne devons-nous pas continuer à parler avec nos patients et plutôt écouter ce qu’ils peuvent nous dire ? Est-ce cela qu’il faut cacher, voiler ? Les « pouvoirs de la parole » ? Et ses pouvoirs « non dépourvus de connotations érotiques » ?

JPEGCette difficile articulation du discours de la science et de ce que peut dire la psychanalyse est le domaine que le groupe qui produit « Préliminaires » explore. Ce comité scientifique, dont vous avez pu lire sur le site le premier compte-rendu, se propose d’éclairer avec des textes chaque mois les allées, ou sentiers - ou même la jungle ! - qu’ils tracent. Le premier texte est écrit par Eric Guillot, sous le titre « Actualité du débat entre Jacques Lacan et Henri Ey ».


JPEGLa publication tardive de cette chronique fait que je n’ai pas annoncé la première séance du séminaire interne, qui s’est tenue par Zoom samedi dernier.
Mais le 9 Décembre se tiendra (peut être en présence ? Peut être en visioconférence ? Restez branchés !) ie séminaire Janus, première partie : « Schmilblick, un lieu pour parler des pratiques ». Les questionnements au cas par cas, font la saveur de ces soirées. JPEGEt le 16 Décembre, la deuxième partie, « Alpha plus Bêta, un lieu pour parler théorie ». Nous aurons peut-être le droit de nous réunir à nouveau, pas trop nombreux, en respectant les « bonnes pratiques ». Cette fois nous articulerons et questionnerons des concepts à propos d’un cas singulier, comme à chaque fois. Les discussions seront passionnantes, j’en suis sûre ! Car la surprise est souvent au rendez-vous.

Et puis ? Ah, connaissez-vous le proverbe, disons martien : « Neige en Novembre, Noël en Décembre ». A réciter lentement, en articulant. Je crois que j’aime les Martiens - enfin, cela veut aussi dire que je les déteste parfois - mais j’apprécie hautement ce proverbe. Sauf cette année. Car il n’y a pas eu de neige là où j’habite, en Novembre. Contrairement à l’année il y a deux ans. Et l’année dernière, avons-nous eu un Noël ?

Tous mes souhaits pour cette fin d’année, puissions-nous nous réunir pour rire un peu, et portez-vous bien, vous et les vôtres et ceux qui vous sont chers !
Au mois prochain, à l’année prochaine,

Catherine Grosbois, Déléguée régionale de l’ACF en Normandie.

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