Recherche

Par activités


Publié le mercredi 27 mai 2020

50es Journées de l’ECF - 14 et 15 nov. 2020

Attentat sexuel

Les arguments

Les 50es Journées de l’Ecole de la Cause freudienne se tiendront les 14 et 15 novembre à Paris.

<center>ATTENTAT SEXUEL</center>



Elles sont placées sous la direction de Laurent Dupont, Eric Zuliani, Angèle Terrier et Caroline Leduc.


Le blog des journées ATTENTAT SEXUEL »

Pour vous inscrire à la newsletter DESaCORPS »


Avant d’avoir de plus amples renseignements et de pouvoir s’inscrire vous trouverez ci-dessous les arguments des quatre co-directeurs de ces journées

<center>L'argument de Laurent Dupont</center>


Attentat sexuel, l’expression vient de Freud. Citons ce passage, il s’agit d’Emma : « À l’âge de huit ans, elle était entrée deux fois dans la boutique d’un épicier pour y acheter des friandises et le marchand avait porté la main, à travers l’étoffe de sa robe, sur ses organes génitaux. Malgré ce premier incident, elle était retournée dans la boutique, puis cessa d’y aller. Par la suite, elle se reprocha d’être revenue chez ce marchand, comme si elle avait voulu provoquer un nouvel attentat1. » Freud emploie le mot d’attentat2 pour nommer la violence et la déflagration de ce qui vient s’inscrire dans le corps du sujet confronté à l’irruption du sexuel comme rencontre traumatique. Le corps en est marqué. Dans le cas d’Emma, des années plus tard, c’est par une inhibition, trace dans le corps du sujet de l’attentat premier. L’inhibition est donc réponse de l’attentat. Mais où se situe vraiment ce qui fait attentat ? La phrase citée de Freud montre aussi qu’il y a un élément de reproche du sujet adressé à lui-même, l’attentat n’est pas seulement attribué à l’autre, mais le sujet se situe lui-même au cœur d’un conflit psychique dont Freud va tenter d’extraire les enjeux de traumatisme. Nous avons là les prémisses de ce que Freud développera plus tard, au-delà de la théorie de la séduction, c’est le sexuel en lui-même qui est un attentat, qui est traumatique de n’être inscrit nulle part dans l’être humain comme instinct.

C’est ce que Lacan épinglera de son aphorisme qui fit scandale : Il n’y a pas de rapport sexuel, soit que la rencontre sexuelle est toujours traumatique. Lacan, dans une réponse ferme à Françoise Dolto, en donne une définition lapidaire : « le fait copulatoire de l’introduction de la sexualité est traumatisant [...] La mauvaise rencontre centrale est au niveau du sexuel.3 » Il parlera, dans Télévision, de « malédiction sur le sexe4 », que nous pouvons entendre comme « mal est diction sur le sexe ». Cette non-rencontre, on ne peut que la dire mal. La conséquence de cette mal est diction, c’est qu’il n’y a pas d’articulation signifiante qui puisse dire le rapport sexuel. De ce trauma fondamental, que Lacan nommera troumatisme, s’en déduit toute la ribambelle des trouvailles de l’inconscient d’un sujet pour tenter de faire exister ce qu’il n’y a pas et dont l’un d’eux, le fantasme, est ce qui permettra à Lacan de penser la fin de l’analyse. Le fantasme permet de faire le pari que, si de l’attentat sexuel on ne peut rien articuler, de la traversée du fantasme on peut en témoigner, en dire quelque chose.

Bien sûr qu’il y a une sexualité infantile, cela n’est plus à démontrer, elle est prise dans la dimension de fantasme de l’enfant. Mais la main de l’adulte se posant sur l’enfant, en brisant le tabou, vient aussi déchirer le voile du fantasme ou, pour le moins, opérer une violence du dévoilement. Ce qui se dévoile, comme pour Emma de Freud, c’est la jouissance sexuelle sans frein de l’autre qui révèle ce qui de la nôtre restait voilé. De cela, Vanessa Springora, Adèle Haenel et d’autres ont témoigné avec rigueur.

Faisons le pari que nos Journées, les 50es, quarante ans après la création de l’École de la Cause freudienne, trouveront à bien dire ce qui de la rencontre avec le sexuel fait effraction, traumatisme pour chacun, le plus souvent sous le voile du fantasme, là où, pour d’autres, c’est justement dans l’arrachage du voile que la rencontre sexuelle se fait attentat.

Laurent Dupont


Notes :
1 Freud S., « Lettre à Fliess du 25 septembre 1895 », Naissance de la psychanalyse, Paris, PUF, 2002, p. 365. Les « Lettres à Wilhem Fliess » sont publiées par Marie Bonaparte, Anna Freud, Ernst Kris.
2 Freud, dans l’édition allemande, écrit : Attentate.
3 Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse (1964), édité par Jacques-Alain Miller, Paris, Seuil, 1973, p. 62.
4 Lacan J., Télévision, Paris, Seuil,1976, p. 50.


<center>L'argument d'Eric Zuliani</center>



L’attentat sexuel hante les premiers pas de la découverte de Freud. À la recherche d’une cause pouvant rendre compte des symptômes - d’abord hystériques -, ses lettres à Fliess et ses premiers écrits dressent le constat que quelque chose cloche dans la sexualité des êtres parlants : impuissance, éjaculation précoce, frigidité s’inscrivent déjà dans des portraits de patients qui lui parlent. Remontant le fil de la causalité des symptômes, Freud ne trouve, pourtant, que souvenir venant en remplacer un autre, scène se substituant à une autre scène, formant autant de chaînes signifiante qui mènent invariablement en un domaine où sexualité et traumatisme forment un nœud tenant lieu d’un réel. Il en déduit une causalité inédite où quelque chose attente à la constitution subjective de l’être parlant qui se trouve impliqué, à son corps défendant, par l’intrusion de l’Autre, « de son savoir, de son désir et de sa jouissance1 ». Le corps, justement, en est durablement marqué d’un trop d’excitation sexuelle insensé qui exile le sujet dans une sexualité toujours symptomatique. Comment la psychanalyse opère sur cette « implication » ?

Ses Trois essais sur la théorie sexuelle explorent la manière dont hommes et femmes, à égalité au regard de l’instance d’une sexualité ne relevant déjà plus de la biologie, sont le siège d’une activité sexuelle guidée par l’impératif de la pulsion, n’incluant pas l’Autre sexué. Lacan éclaire les montages baroques de la pulsion, mixe d’imaginaire et de symbo-lique, et la part qui y échappe, trouant la rencontre sexuelle de son aphorisme : il n’y a pas de rapport sexuel. Oui, mais il y a cette jouissance, absolue, hors-corps et qui vous harcèle : demandant ses droits, elle confine à la solitude et fait obstacle à la sexualité. L’être parlant se trouve pris entre l’insistance pulsionnelle et ce qui le pousse au oui et au non dans son rapport à l’Autre. D’où la subtile interrogation de Vanessa Springora sur la question du consentement2 qui éclaire ce non-lieu de la rencontre amoureuse où tentent de se nouer corps jouissant et langage, par les voies du désir et de l’amour. Quels sont ces nouages ? Et quand le nœud se défait, quelles en sont les conséquences ? L’attentat sexuel se loge dans cette zone où s’inventent les rencontres en lieu et place des non-rapports : non-rapport sexuel et non-rapport de parole. C’est aussi l’endroit où les femmes et les hommes sont engagés dans des liaisons inconscientes sans garantie. Le sexuel n’y est qu’un horizon, où un homme ne jouit pas du corps d’une femme, mais uniquement de son propre corps, où une femme, au nom d’un vouloir être aimée parfois ravageant, se prête à la sexualité de son partenaire, où le mot qui blesse n’est jamais loin.

Les questions actuelles des mouvements féministes – #metoo compris – sur les violences faites aux femmes, sur la dénonciation d’une « culture du viol » par exemple, s’adressent aux hommes et sont à explorer. Car l’orientation lacanienne peut s’en faire la destinataire. En 1969, Lacan donne une indication qui peut nous y guider : « Que toute la théorie de l’ana-lyse, dit-on quelquefois, se développe dans une filière androcentrique, ce n’est certes pas la faute des hommes, comme on le croit. En particulier, ce n’est pas parce qu’ils dominent. C’est parce qu’ils ont perdu les pédales. À partir de ce moment-là, il n’y a plus que les femmes, et spécialement les femmes hystériques, qui y comprennent quelque chose.3 »

À partir de l’expérience analytique, qu’est-ce que les femmes ont, en effet, à nous apprendre sur le sexe ; quelle est l’actualité des hommes en analyse, de leurs conditions de désir que Freud épingla en son temps comme névrotiques, et des destins de celles-ci au décours et à la fin d’une analyse ?

Eric Zuliani


Notes :
1 Miller J.-A., « L’enfant et le savoir », Peurs d’enfants, Paris, Navarin, coll. La petite Girafe, 2011, p. 18-19.
2 Springora V., Le consentement, Paris, Grasset, 2020.
3 Lacan J., Le Séminaire, livre XVI, D’un Autre à l’autre, Paris, Seuil, 2006, p. 212


<center>L'argument d'Angèle Terrier</center>



Le constat du réel de l’exigence pulsionnelle dans la sexualité infantile est au centre de l’invention de la psychanalyse par Freud. Pas d’inconscient sans la rencontre avec un premier jouir formule Lacan dans « La conférence à Genève sur le symptôme1 ». En mettant l’accent sur l’effet de cette rencontre, il fait valoir, avec l’appui de la clinique du petit Hans, le caractère d’extériorité et d’étrangeté de cette jouissance hétéro qui fait effraction. Si le tout-petit rencontre la réalité sexuelle sur son propre corps, cette jouissance n’est ce-pendant en rien autoérotique. En témoigne l’invasion déchirante que connaît le petit Hans dans ce symptôme phobique, qui condense cette jouissance qui l’assaille et qu’il rejette de toutes ses forces. Le symptôme se forme au point où la réalité sexuelle fait effraction, dans le contexte de l’intimité qu’il connait avec sa mère et du type de père qu’il a. La réponse du sujet est effet de la contingence d’une rencontre avec une jouissance extérieure ainsi que de la nécessité structurale du langage qui le confronte à un indicible.

Cent-vingt ans après la naissance de la psychanalyse, des femmes témoignent dans un bien dire percutant de l’inassimilable d’un trauma sexuel. Si la psychanalyse met en évidence que l’introduction de la sexualité est structurellement traumatisante2, la violence du trauma est tout autre lorsqu’une mauvaise rencontre vient incarner cette jouissance au lieu de l’Autre.

Lorsque le voile du fantasme recouvrant le réel se déchire, le sujet se retrouve face à la jouissance obscène de l’Autre. Alors, ce qui s’éprouve de l’altérité du corps propre dans le surgissement du sexuel vient se confondre avec la position d’objet que le sujet incarne pour la jouissance d’un autre.

Une analyse peut permettre de saisir quelque chose de cette position d’objet qui est constitutive de tout sujet qui vient au monde et de lire le symptôme qui s’est formé en réponse à ce trauma initial. Elle peut aussi permettre de sortir du gouffre dans lequel un sujet s’est vu précipité suite à un trauma sexuel.

Nous vivons dans un monde qui n’est plus exclusivement dominé par une aspiration à la virilité, l’orientation lacanienne permet à la psychanalyse d’accueillir le réel tel qu’il surgit à notre époque. Les 50es Journées de l’ECF permettront de faire le point sur la question du trauma sexuel et de recueillir par la clinique un savoir inédit sur ce qui fait attentat sexuel aujourd’hui.

Angèle Terrier


Notes :
1 Lacan J., « Conférence à Genève sur le symptôme », La Cause du désir, n° 95, Paris, Navarin éditeur, avril 2017.
2 Cf. Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, p. 62


<center>L'argument de Caroline Leduc</center>



Les débats féministes actuels se cristallisent autour d’une difficulté propre à notre époque qui concerne l’altérité des corps sexués, quel que soit leur genre. Comme le découvrait déjà en 2004 Jacques-Alain Miller, le non-rapport sexuel est devenu une vérité commune dans le discours courant : « le rapport des deux sexes entre eux va devenir de plus en plus impossible1 » ; « l’inexistence du rapport sexuel est, aujourd’hui, devenue évidente », à mesure que « les signifiants-maîtres n’arrivent plus » à le faire exister2. C’est donc également une crise des semblants, et plus particulièrement une crise du semblant phallique. Le trait d’union phallique jadis opératoire entre les sexes semble brisé et le désir phallique se fait monstre. Le don phallique qui pouvait faire consolation de la castration n’a plus facilement son effet symbolique mais tend dès lors à prendre la couleur de l’abus. C’est l’effraction de jouissance pour tous – révélant pour chacun sa jouissance Une séparée, isolée, orpheline, c’est-à-dire sans Autre. Le phallus, jadis instrument d’un désir singulier subjectivant l’aliénation signifiante se réduit à n’être plus que l’indice de la violence contingente par laquelle se séparent originellement les registres de l’Autre et de l’Un. Un refus de l’Autre agite notre époque.

Il existe hélas des abus sexuels, et ce, depuis toujours. La psychanalyse d’orientation lacanienne prétend que l’émergence d’un désir sexuel dans le corps d’un sujet a un effet structurel d’altérité traumatique, qu’un abus ait eu lieu ou pas dans la réalité. Le sexuel toujours sépare quelque chose avec fracas. C’est l’altérité ravageante du désir sexuel d’un autre qui sexualise prématurément le corps ; cela peut être l’altérité dérangeante de son propre corps ému par un désir sexuel toujours prématuré. La psychanalyse fait le pari que c’est à partir de ce point même du réel dont il est apparu qu’on est l’objet que peut s’inventer une réponse – celle du sujet lui-même.

L’abus de structure que le sexe fait subir à notre corps était auparavant caché. On n’en parlait pas. La censure avait comme fonction de maintenir l’ordre établi, de voiler ce scandale par des fictions ordonnant et régulant le rapport des sexes entre eux. Avec le phénomène metoo et ses suites encore très puissantes, il s’avère donc que le discours féministe de notre époque rejoint les déductions de la psychanalyse. Il y a pourtant des différences entre ces deux discours. La psychanalyse propose de se dégager des conséquences mortifères de l’abus par la prise en compte d’un impossible qui est à découvrir et à éprouver dans une cure analytique longue – longue car le découvrir puis s’en servir nécessite d’abord d’avoir épuisé la souffrance. Il est en effet impossible de jouir du corps d’un autre. C’est le sens de l’aphorisme de Lacan : il n’y a pas de rapport sexuel. Même dans une relation consentie, le partenaire s’ajoute à une jouissance qui est celle du corps propre. Cet ajout est une fiction – par exemple, celle de l’amour. Si l’on peut désirer la participation d’un partenaire, il n’en sera pas moins un « moyen3 » de notre jouissance ; si la jouissance d’un autre nous est imposée, l’horreur réside dans ce qui nous est révélé d’être réduit au moyen de sa jouissance sans l’appui d’une fiction.

Ce qui reste alors, ce sont les coups de boutoir de ce réel de la jouissance Une sur l’imaginaire, dont gonfle les enjeux, produisant autant l’éparpillement des anciennes catégories imaginaires et symboliques des rôles sexués que le signe de la solitude de chaque un tournant en rond dans la prise symptomatique de sa jouissance. Ainsi se comprend comment l’abus sexuel précipite dans les ravages d’un imaginaire incestueux : « Le rapport sexuel, il n’y en a pas, mais cela ne va pas de soi. Il n’y en a pas, sauf incestueux.4 » L’issue que propose d’en passer par la parole avec une psychanalyse, c’est de considérer son symptôme comme un point d’interrogation dans le non-rapport sexuel5.

Le travail du thème de nos Journées vise à obtenir une Aufhebung de ce que ces phénomènes contemporains dénotent d’une impasse, qui lui restitue leur place précise dans ce qui se transforme du discours. Quels sont les effets de cette modernité sur la politique des cures ? Pour s’orienter, il s’agit de situer différentiellement la mauvaise rencontre du sexuel au plan de la structure et dans son apparition contingente.

Caroline Leduc


Notes :
1 Miller J.-A., « Une fantaisie », Mental, n°15, février 2005, p. 19.
2 Ibid, p. 18.
3 Cf. Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Le partenaire-symptôme » (1997-1998), enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’Université Paris-VIII, cours du 27 mai 1998, inédit : « la relation de couple au niveau sexuel suppose que l’autre devienne [...] un moyen de sa jouissance » ; le corps du partenaire, « c’est un moyen de jouissance [...] de mon corps à moi [...] c’est un mode de jouir du corps de l’autre, et par corps de l’autre, il faut entendre à la fois le corps propre, qui a toujours une dimension d’altérité, et aussi bien le corps d’autrui comme moyen de jouissance du corps propre ».
4 Lacan J., Le Séminaire, livre XXIV, « L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre », leçon du 15 mars 1977, publié in Ornicar ?, n°17/18, Paris, Navarin, printemps 1979, p. 8-9.
5 Cf. Miller J.-A., « Une fantaisie », op. cit., p. 25


Pour télécharger les arguments »


PNG

Revenir à l’Accueil du site ».
Accéder directement à l’Agenda ».