Accueil > ACF-NORMANDIE > Calligraphies

Recherche

Par activités


Publié le vendredi 26 février 2021

L’Edito de la déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Calligraphies

Mars 2021

Psychanalyse et science


Une activité psychique pure, délivrée des contingences de la vie, est-elle notre réalité scientifique actuelle ? Nous pourrions le croire quand l’acte médical qui accueille la folie des humains se fait avec des protocoles et des questionnaires. Ceux-ci renvoient à une mécanisation de la décision thérapeutique. Car si le réel est rationnel, alors il est prévisible !, puisque la raison rationnelle est déterminée par des mécanismes valables en tout temps et en tous lieux. C’est le credo de nos sciences actuelles.

Jacques-Alain Miller, dans une leçon de son cours de 20081, nous dit que cette conception implique des éléments juxtaposés dans l’étendue, et qui ne se chevauchent pas. C’est une propriété nécessaire. Mais cela implique qu’il y a « un petit homme qui est dans l’homme » et qui tient les commandes, un pilote dans l’avion.
L’imagerie cérébrale nous montre des zones qui s’éclairent au cours des processus attribués à l’activité de la pensée, superposant l’activité cérébrale et la pensée vigile, et même le rêve – avec ce supplément, que pouvons raconter nos rêves. L’oubli du rêve est plus difficile à expliquer de cette façon, mais passons. Nous pourrions dire que c’est l’esprit de la machine qui nous fait penser.

Les questionnaires ont comme sous-entendus que notre esprit est rationnel, et même ego-centré, carrément personnel ! L’idée que nous puissions être auto-destructeurs, par exemple, ou encore contradictoires, est comprise comme un déficit, quelque chose qui manque et qui peut être compensé plus ou moins. Cela permet d’accepter un « sujet sociologique » fait avec les pièces des préjugés d’une société donnée, et à vrai dire, ne laissant pas d’espoir de réforme possible.
De nouveau la séparation claire des zones différentes devient encore une nécessité. Mais comment croire que cet « esprit de la machine » est bienveillant ?, après les catastrophes des USA privés d’électricité quand les machines ont poussé à la prise de décision qui a conduit à mettre dans le noir le tiers des états, par des effets en cascades de plus en plus délétères ? Ou encore ces « capteurs » sur les avions qui se dérèglent, et que rien ne vient corriger, comme si le « mécanisme » une fois construit ne subissait pas les effets de l’imperfection de ce monde ici-bas ?
Au delà de ces rêves de machines tournant doucement pour notre propre plaisir, ces théories du fonctionnement psychique ne nous rapprochent toujours pas plus de la question de la folie, et de son corollaire, l’imprévisible passage à l’acte.
La « baston » des adolescents qui était un « amusement » – voir Louis Pergaud et la célèbre Guerre des boutons qui préludait aussi à une « vraie » guerre, la « première » guerre mondiale – est devenue comme une horrible loterie, où celui qui blesse et celui qui est blessé (il y a aussi des tués) n’a pas pensé que cela pourrait lui arriver. C’est flagrant dans les témoignages des participants. On vient en groupe, on ramasse un couteau par terre, puis on a peur, on donne un coup de droite à gauche puis un autre de bas en haut, et voilà ! Deux blessures, une mortelle, une autre très grave. On regrette ce qui a été fait.
Et le moment de folie ? Il n’y a pas de description de ce moment. Pourtant cela pourrait s’écrire, jusque dans les rapports.
Comment le prévenir, ce passage à l’acte, si ce n’est en reconnaissant que nous ne savons pas toujours ce que nous faisons, sans que ce soit un déficit, mais bien plutôt une faille ?
Est-ce une bonne solution que de résoudre le souci de ce gap en faisant disparaitre le terme qui parait discriminatoire, mais qui laissera la place à la culpabilisation et à la stigmatisation ? Même si ce n’est pas dit, cela est particulièrement sensible dès qu’on écoute les participants.
Comment sans passer par la carte forcée (selon l’expression de Jacques Lacan) de la clinique ?

Le cas singulier du patient met à l’épreuve nos théories si nous voulons bien considérer ce que nous notons, non pas comme des observations, mais comme des questions. Ce sont elles, ces questions qui vont orienter nos interventions suivantes, ce qui fera la joie de notre travail.
Que penser de cette enfant reçue toute petite par l’analyste, parce qu’elle mord ? Une séance, il lui a été dit : « Tu as de belles dents » ! ( Un cas de Rose Paule Vinciguerra). Ou encore un autre enfant, reçu par Daniel Roy. Il entre dans le bureau, car il ne parle pas, et dit : « Ousto ! » qu’il répète, désignant une figurine qui est un marin. Je ne sais pas si c’était Popeye, mais l’analyste dit « mais oui, tu es costaud ! » Il s’apaise, et papa donne la clé ensuite : l’enfant ne rate aucun épisode du « commandant Cousteau » !
Encore : ce petit bonhomme qui est en CE1, qui est performant à l’école me dit-on, et qui dérange la classe. Il vient dans mon bureau avec un livre. Il me le lit, mais au moment où le héros est parti à la recherche de son père disparu, alors qu’il a eu besoin de se déguiser pour approcher l’ennemi, voilà que la syntaxe se défait, devient bafouillage. Prise par le plaisir de faire la prof, je dis le nom propre du héros, qui n’avait pas été prononcé encore.
L’enfant m’interrompt : « Mais comment tu sais son nom ? »
Je montre alors l’écrit sur la page. Il dit après un temps de réflexion silencieuse : « Ah ! Je comprends pourquoi lire c’est vraiment important ! Tu as lu le nom ! »
Si les questionnaires évitent l’angoisse de la rencontre avec la surprise des dires du patient et permettent des réponses lisibles par des machines qui donnent des chiffres, rassurants bien sur, pourquoi s’en priver ?
Mais aussi pourquoi se priver du rire, cher lecteur, que j’espère avoir fait naitre en écrivant ces trois moments, et qui me font rire moi aussi !

JPEGLa vie de l’Association Cause freudienne en Normandie se poursuit gaiement, avec les temps de réunion et de travail en visioconférence le plus souvent. Mais le ciel va s’éclaircir, je le parie, et nous pourrons peut-être nous rencontrer aux beaux jours, par exemple au Havre, en mai.
Contactez le comité scientifique préparatoire de la journée du Havre, et lisez les « Préliminaires » qui parlent justement de la préparation de cette journée. L’appel à communication a donné de beaux fleurons, et nous avons décidé de passer d’une après-midi à un colloque d’une journée entière.

JPEGLe séminaire en deux parties Janus, comme le Dieu des carrefours à deux visages, se poursuit lui aussi. Un lieu pour parler des pratiques le 17 mars, et aussi en avril le 14. Un lieu pour parler théorie le 21 avril.

Le séminaire interne aura encore un autre temps le 10 avril.

Et les cartels ! Contactez Marie Izard.

Vous pouvez aussi vous rapprocher des responsables des bureaux de ville : Jean-Louis Woerlé et Céline Guédin pour Rouen, Michèle Couboulic et Jean-Yves Vitrouil pour Le Havre, Marie-Thérèse Rol pour l’Eure et notre amie Blanca Flament Perez pour la partie Ouest de la Normandie. Vous pouvez aussi me contacter.

PNGDans le Champ Freudien il y a aussi le samedi 13 mars la journée de l’institut de l’Enfant, qui a pour thème « La sexuation des enfants ».
Et la conférence de Guy Poblome dans le cadre du CERA « Des styles et des méthodes », troisième partie. Inscrivez-vous si l’autisme est une question pour vous !

Enfin vous trouverez aussi sur le site les dates et lieux d’enseignement de la formation l’Antenne Clinique.

Bonne lecture, bonnes études psychanalytiques, bien à vous.

Catherine Grosbois, Déléguée régionale de l’ACF en Normandie.

Note :
1 La Cause freudienne n° 98, p. 122.

Revenir à L’ACF-Normandie » ou à l’Accueil du site ».
Accéder à l’Agenda ».