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Publié le mercredi 5 avril 2023

L’Edito du délégué régional de l’ACF-Normandie

Propos

Avril 2023







L’heur Flaubert



Trois textes courts, produits singuliers issus d’un travail à plusieurs autour de Flaubert à partir de la psychanalyse, viennent illustrer dans ce Propos d’avril la réflexion à l’œuvre. Elle se poursuivra samedi 15 avril 2023 et se déroulera tout au long du colloque. Je remercie Catherine Grobois, Nadine Michel et Marie-Thérèse Rol pour ces écrits qui déjà apparaissent comme une introduction à cette journée. D’autres textes suivront d’ici le colloque… Bonne lecture.

Serge Dziomba, délégué régional de l’ACF en Normandie

Portrait de Gustave Flaubert par Paul Baudoin,
(Bibliothèque municipale de Rouen)



Pourquoi Flaubert ? Par Catherine Grobois

Simplement, après Maupassant, le calendrier nous fait penser Flaubert !
Oui l’ACF en Normandie s’intéresse aux auteurs célébrés dans notre région, et que cela nous sert d’occasion pour découvrir à nouveau pourquoi Lacan dit qu’il n’y a pas de « psychobiographie » qui tienne du côté de la psychanalyse. Au contraire il nous rappelle que toujours l’artiste précède les psychanalystes.

Pourquoi Salammbô  ?
C’est le livre mal aimé des critiques de Flaubert. Celui qui est dit le plus fatigant à lire, avec pléthore de ce que j’aime, l’érudition et les mots compliqués des archéologues et des historiens. Avec son accumulation de métonymies, et des phrases qui vont se révéler des métaphores. Et ces descriptions d’images qui accumulent les oppositions du beau et du répugnant, du vivant et de la décomposition mortelle, du propre et net avec la pullulation de la vermine.
Et encore un livre qui parle de religion ! De rites absurdes et de croyances ineptes, mais qui ont des conséquences historiques. Conséquences ? Ce n’est pas scientifique ce que vous dites ! L’absurde n’a comme conséquences que le hasard, c’est bien connu ! Oui, mais quand ce n’est pas connu ? Que pouvons-nous en tirer ?
Flaubert nous tient par la main, c’est ce que nous avons pu constater, le thème nous guide, comme souvent dans les groupes de travail de l’ACF. Un travail assidu, poursuivi, comme l’artiste l’explicite dans sa correspondance, à propos du travail à fournir pour écrire un texte lisible et émouvant.
Oui, nous avons profité de ces échanges à plusieurs voix : débats, oppositions, confrontations mais aussi questionnement, conversation, construction d’un ensemble, et encore : élagage, ratures, pensée resserrée, et aboutissement. Démocratiquement mais singulièrement.
Et nous vous convions à notre conversation
Alors, un péplum gore ?
Oui, et qui se lit comme un roman d’aventure, comme une série sur la Toile, au rythme haletant qui fait rêver les penchants poétiques et cauchemarder les organisateurs qui prévoient tout.
Donc, pas-tout Flaubert, où il est encore possible d’apporter votre pierre à l’ouvrage de pensée que nous édifions à travers son œuvre. Au risque de se tromper ? Oui bien sûr ! mais pour rire comme lui de la bêtise et avec lui opposer au pire l’ironie, peut-être.

Trois fois rien… (Premier volet) par Nadine Michel

« C’était surtout aux heures des repas qu’elle n’en pouvait plus, dans cette petite salle au rez-de-chaussée, avec le poêle qui fumait, la porte qui criait, les murs qui suintaient, les pavés humides ; toute l’amertume de l’existence lui semblait servie sur son assiette et à la fumée du bouilli, il montait du fond de son âme comme d’autres bouffées d’affadissement. Charles était long à manger ; elle grignotait quelques noisettes, ou bien appuyée du coude, s’amusait, avec la pointe de son couteau, à faire des raies sur la toile cirée. (…) Comme elle se plaignait de Tostes continuellement, Charles imagina que la cause de sa maladie était sans doute dans quelque influence locale, et, s’arrêtant à cette idée, il songea sérieusement à aller s’établir ailleurs. Dès lors, elle but du vinaigre pour se faire maigrir, contracta une petite toux sèche et perdit complètement l’appétit1. »

Le rien est un terme tout à fait équivoque en français. Il vient du latin rem, accusatif de res, rei, qui veut dire la chose. Le rien pris ainsi, est à disjoindre de la négation qui l’accompagne la plupart du temps et l’anorexique devient celle qui ne mange rien, qui mange le rien. C’est Lacan qui le formule ainsi dans le séminaire IV :
« Ce dont il s’agit dans le détail, c’est que l’enfant ne mange rien, ce qui est autre chose qu’une négation de l’activité. De cette absence savourée comme telle il use vis à vis de ce qu’il a en face de lui, à savoir la mère dont il dépend. Grâce à ce rien il la fait dépendre de lui2. »

Deux valeurs au rien : Pris dans la dialectique du désir, il est comme métonymie du manque à être, il tourne alors autour d’un manque constitutif, d’un défaut fondamental d’objet qui serait objet de satisfaction. Il est sans objet. C’est la proposition de Lacan3 dans « La direction de la cure et les principes de son pouvoir ». Pris comme inertie, butée, pierre d’achoppement de toute dialectique, c’est le rien de l’anorexique. Le rien de l’anorexique est en effet différent du rien du désir. On pourrait dire qu’il est le refus du rien du désir. Cette occurrence du rien est ce qui est fondamental dans l’anorexie. « Ce rien colle au sujet, le rend inerte, bouche sa division, le ferme à l’inconscient. »
A l’opposé, la métonymie du désir est un refus de ce rien qui ankylose. « Le principe du désir est hystérique, disons-le, c’est à dire qu’il est insatisfaction. Le désir réitère, se soutient de réitérer un « ce n’est pas ça ». Il tend incessamment vers autre chose, une Autre chose qui une fois atteinte ne sera pas ça non plus4. »

Notes :
1 Flaubert G., Madame Bovary, Gallimard, 1970, p. 87-90.
2 Lacan J., Le séminaire, Livre IV, La relation d’objet, Seuil, p.185.
3 Lacan J., « La direction de la cure et les principes de son pouvoir », Ecrits, Le champ freudien, Seuil.
4 Miller J.-A., « Vie de Lacan », La Cause freudienne, n°79, Navarin, 2011.

Sur le bovarysme, par Marie-Thérèse Rol

Freud et Lacan citent parfois des œuvres littéraires pour en extraire « ces étincelles » qui peuvent donner un accès à cet innommable le Réel. L’artiste nous interroge, nous enseigne sur l’énigme de la clinique, c’est ce qui m’a intéressée dans l’œuvre de Flaubert, Madame Bovary. Il ne s’agit pas d’en faire une tentative d’interprétation mais de retirer chez Flaubert des descriptions qui viennent marquer l’état d’insatisfaction chez l’hystérique ou le mélancolique que l’on rencontre dans l’expérience analytique ; on a l’insatisfaction qui mène le personnage d’Emma à cette inéluctable issue de l’acte suicidaire.

  • Emma Bovary est-elle hystérique, est-elle mélancolique ?
  • Meurt-elle du désir de s’élever à un idéal spirituel, du désir de sortir du monde médiocre dans lequel elle se trouve ?

« Se concevoir autre que ce que l’on est ». On a la naissance du bovarysme, Le sentiment d’insatisfaction qu’éprouve une personne à l’égard de sa condition sociale et de sa vie affective et qui la conduit à chercher une évasion dans le romanesque, l’imaginaire.

Qu’en est-il du bovarysme aujourd’hui en sachant que le verbe bovaryser est entré dans le Larousse en 2013, un verbe de base anthroponymique dérivé du nom propre de l’héroïne du roman de Flaubert. Rêver d’un autre destin plus satisfaisant.

Emma après avoir vécu par procuration en cherchant le réconfort auprès de ses amants, sombre dans la dépression.

  • Le constat de Flaubert ne semble-t-il pas d’une extrême modernité ?
  • La quête éperdue de l’amour se fait aujourd’hui à travers les sites de rencontres, est- ce une quête d’idéal qui aboutit souvent à des désillusions ?

On pourrait dire, Emma femme d’aujourd’hui.

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