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Publié le jeudi 2 mars 2017

Le Prélude de la déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Prélude de mars

Mars 2017

C’est une chance que de pouvoir rencontrer Dalila Arpin à Rouen le 10 mars, pour une conférence intitulée « Amour, du symptôme au partenaire intersinthomatique ». Dalila Arpin a été nommée Analyste de l’Ecole (AE) par la Commission de la passe de l’ECF en mai 2016. Certains d’entre vous ont pu entendre son premier témoignage lors des dernières Journées de l’ECF. Ce précieux témoignage se redouble d’un évènement éditorial qui lui est intimement lié : la parution de son livre Couples célèbres. Liaisons inconscientes, car c’est à partir de ce que son expérience d’analysante lui a enseignée qu’elle a pu « déceler les liaisons inconscientes dans des couples célèbres ». Comme elle le note, « l’idée du couple m’a toujours intriguée, d’autant que mon prénom suscitait invariablement la question : « Et Samson, où est-il ? » (…) Alors mon intérêt s’est porté sur l’union de mes parents qui, même s’ils partageaient de bons moments ensemble, menaient des activités très différentes. Déceler le ressort de leur liaison a été l’une des découvertes les plus saisissantes de mon analyse1. » Dalila Arpin nous offre dans son livre huit bijoux ciselés, huit lectures d’orientation lacanienne qui éclairent « la logique ayant présidé à la formation de chaque couple, de l’incipit au dénouement ». Comme elle le précise : « Ma propre analyse m’a appris qu’on ne peut lire qu’à partir de sa propre position de sujet. Les questions qui nous animent sont celles que nous pose notre propre existence. Nos vies sont des réponses à des impasses que chacun traite de façon singulière à l’aide de la langue qui l’a façonné. Le symptôme est le nom que nous donnons à cette réponse qui nous permet d’aborder le monde et nos semblables2. » Dans ces lectures du symptôme, une éthique est à l’œuvre, une ascèse particulière par rapport à l’objet ; Dalila Arpin en livre une formule saisissante : ni fascination, ni dénigrement, mais cerner ce qui fait le noyau le plus singulier de chacun de ces couples. Quelque chose de « l’alliage unique » de chaque couple de personnalités qu’elle a choisi (ou plutôt qui l’ont choisi) a résonné pour elle, elle s’est laissée « enseigner par leur façon de faire lien avec leur partenaire, de répondre de leur amour, de faire don parfois de leur personne pour qu’à tout prix le deux ne fasse qu’un3 », révélant « de quelle étoffe sont faites les liaisons inconscientes. »

En effet, s’« il n’y a pas de rapport sexuel » c’est-à-dire « pas de formule écrite à l’avance, ni qui puisse s’écrire, pas de condition nécessaire et suffisante pour que deux corps parlants soient complémentaires4 », il y a pourtant des amours, et il n’y a là rien d’autre que la rencontre chez le partenaire des symptômes, des affects, d’une histoire – tout ce qui marque une trace, celle d’un exil : l’exil de « l’harmonie » entre les sexes. Selon quelle logique l’amour devient-il possible ? A quels nouveaux possibles l’expérience analytique peut-elle ouvrir ? Comme l’écrit Dalila Arpin, « la vie amoureuse est un alliage de répétitions et d’inventions avec lesquelles chaque couple tisse sa propre façon de suppléer à l’idéal de l’union qu’il s’est construit5. » Elle précise : « l’alliance n’est pas sans failles, car elle se noue autour d’un vide6 » et nous préférons à ce vide « les illusions, les chimères, les modèles, les trompe-l’œil. » De plus « si l’amour est affaire de mots, il est aussi recherche d’un objet précieux que nous tentons de retrouver chez l’être aimé », l’objet agalma du désir dont la vraie nature est l’objet pulsionnel, l’objet jouissance – par exemple la voix chantante et moqueuse de Nora qui ensorcèle James Joyce avec ses expressions et ses tournures de l’ouest de l’Irlande

Le chapitre consacré à James et Nora Joyce m’a particulièrement passionnée, il souligne le constat suivant : « parfois un partenaire rencontré par hasard devient nécessaire à l’équilibre du sujet7/ » . Dalila nous montre de façon très convaincante comment Nora, « la bien trouvée », aussi bien que son écriture, ont permis à Joyce de serrer le nœud raté entre réel, symbolique et imaginaire afin d’y remédier8 ; leur petit-fils Stephen a pu dire que sans Nora Joyce n’aurait écrit aucun de ses livres. Selon Lacan, Nora était pour Joyce un « gant retourné », elle lui allait « comme un gant » parce qu’elle avait « une fonction de serrage, telle une enveloppe qui ferait tenir ensemble les morceaux épars de son corps9 » . C’est que pour Joyce, l’image ne demande qu’à « lâcher comme une pelure », « il n’y a que le corps qui parle avec ses entrailles10 » : Joyce tente d’approcher les affects d’amour et de haine par son écriture d’une nouvelle langue, il écrit aussi à Nora avec une certaine obscénité ses fantasmes « à partir de ce qu’il y a de plus réel dans son corps11 ». Cette écriture ainsi que la présence nécessaire de Nora et son regard ont une fonction de bord, « d’encadrement », de rassemblement des fragments de « l’ego défaillant ». En même temps Nora, insaisissable, insoumise et indépendante, incarne pour lui l’énigme de la fonction paternelle – dans « l’obscurité de son corps ». Que ce trop bref aperçu puisse vous inciter à lire et relire « Couples célèbres », et à venir nombreux discuter avec Dalila Arpin !

Son livre nous sera aussi un appui précieux dans le cadre de notre Séminaire interne dont la prochaine séance aura lieu le 4 mars. PNG Justement nous y étudierons le chapitre « Ce qui fait symptôme pour un corps » de l’ouvrage d’Éric Laurent : il y sera question de « Joyce le symptôme », du passage du « symptôme qui parle » au « symptôme qui s’écrit en silence », le « sinthome » dont la structure a été rencontré par Lacan, à ciel ouvert, chez Joyce.

Enfin j’attire votre attention sur un évènement important qui aura lieu le 1er avril aux Chapiteaux Turbulents, à Paris. A l’occasion de la Journée internationale de l’autisme, La Main à L’Oreille, avec plusieurs associations partenaires, organise un Forum destiné aux familles et personnes autistes autour du thème « Autisme et fraternité ». Je relève un fragment du texte de présentation : « Les personnes autistes nous ont appris que trouver un partenaire est pour eux une condition pour se soutenir dans l’existence. Un partenaire, au-moins-un, qui sache accueillir la façon de faire que chaque-un a trouvée pour faire-avec ce qu’il est, et faire construction d’un lien de fraternité. Un partenaire qui favorise le lien social dans l’autisme, tout en respectant cette particularité qui est la leur, qui pourrait être définie comme position d’être « seul avec les autres », tel est le joli titre de l’exposition photographique que nous présentera Michel Loriaux lors du Forum. » Faîtes connaître autour de vous cette initiative à la fois vivifiante et nécessaire dans ces temps marqués par la tyrannie de la norme !

Marie-Hélène Doguet-Dziomba,
Déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Notes :
1 D. Arpin, Couples célèbres. Liaisons inconscientes, Navarin Le champ freudien, 2016, p. 10.
2 Ibid., p. 15.
3 Ibid.
4 Ibid., p. 12.
5 Ibid., p. 14.
6 Ibid., p. 12.
7 Ibid.
8 Ibid., p. 138.
9 Ibid., p. 127.
10 Ibid., p. 130.
11 Ibid., p. 131.

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