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Publié le mercredi 1er février 2017

Le Prélude de la déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Prélude de février

Février 2017

En ce début d’année, notre temps est celui de l’après-coup. Après-coup de la résolution Fasquelle repoussée, après-coup de la réussite du forum psy de Rouen. Nous sommes dans les conséquences de ce qui nous a précipité dans l’action1.

Lors de la récente journée Question d’Ecole, J.-A. Miller soulignait que « la psychanalyse est une étreinte avec le particulier, le non-universel, ce qui ne vaut pas pour tous », il ajoutait : « ce qui fait trauma, c’est la férocité actuelle du « pour tous » qui résulte des noces du maître et de la science (…) l’évaluation par le maître prend les individus à la grosse, dans une commune mesure. Le discours analytique, lui, fait sa place à l’incommensurable, c’est-à-dire au facteur (a) qui s’intercale toujours dans le calcul. L’objection de l’objet induit chez le maître une rage dont nous avons eu l’exemple récent2. » La rage du maître face à « l’objection de l’objet », le soupçon, la méfiance méthodique pesant sur les praticiens, rendus suspects au regard de l’impératif d’« évaluation », le « retour d’agressivité » dont se paie « la levée du refoulement, la déconstruction des semblants3 » - telle serait la Stimmung du maître animé d’un transfert négatif à la psychanalyse. Selon J.-A. Miller, « il s’agit de jeter le discrédit sur elle – comme si on interpellait la psychanalyse en ces termes : « Tu nous accuses d’être semblant… Semblant toi-même ! » Christiane Alberti posait, elle, la question de « comment faire un usage de la science pour la psychanalyse ? », comment « faire entendre que la psychanalyse n’est pas moins scientifique que la science elle-même qui ne l’est qu’à connaître ses propres limites. À tout le moins user et ruser à partir des semblants de l’expertise et de la respectabilité épistémique et clinique » ? Elle concluait sur les voies de la subversion du discours du maître – la psychanalyse n’entend pas dominer, elle se transmet par la seule voie du transfert de travail, en accrochant le désir. Voilà ce à quoi se heurtent les évaluateurs dans les institutions. Voilà aussi ce sur quoi nous pouvons miser.

Ces questions sont au cœur de l’initiative soutenue par l’ACF Normandie de constituer un « Réseau Soins Particularisés » à l’issue du Forum Psy « Souffrances au travail chez les soignants » qui s’est tenu en janvier à Rouen. Vous pouvez écouter ou réécouter certaines interventions de ce Forum, lire la Déclaration qui a été adoptée et le retour qui a été rédigé. Un cartel s’est déjà mis au travail autour du signifiant « soins particularisés » qui relève du cas par cas, antinomique du « standard individualisé » dont le point de départ est le « pour tous ». Une liste de diffusion est destinée à tous ceux qui ont participé au Forum, et tous ceux qui le souhaitent peuvent la rejoindre. Textes, témoignages, réflexions cliniques, épistémiques, sont les bienvenus ! D’autres rencontres auront lieu, l’élaboration provoquée doit se poursuivre !

Ce début d’année a été marqué aussi par la poursuite du travail autour du concept de « corps parlant ». Le Séminaire interne consacré à l’étude du livre d’Éric Laurent L’envers de la biopolitique. Une écriture de la jouissance » a permis aux membres du cartel qui l’anime d’intervenir autour du « moment Radiophonie » de l’enseignement de Lacan : il a été question de « l’incorporation » du symbolique, du « corps symbolique », de l’incarnation de la structure, de la collision de la « chair » et du corps symbolique dont s’extrait l’objet (a), « incorporel », « hors corps », « joui-sens ». Il est passionnant de croiser ces interrogations avec la conférence d’Hélène Bonnaud que vous pouvez réécouter.

Elle aurait voulu l’intituler « Maltraiter son corps à l’adolescence ». Elle y soutient une thèse à la fois subtile et forte. A l’adolescence, lorsque la rencontre avec des pulsions jusque-là inconnues du sujet est insupportable, le corps propre peut faire l’objet d’un rejet qui contamine l’image de soi – la pulsion se retourne contre le sujet lui-même, et c’est le corps dans son entier qui est visé du fait du changement de l’image de soi. Hélène développe ce point concernant l’anorexique et la boulimique. Il y aurait à l’œuvre le refus de perdre l’image que l’on avait de soi enfant. Pourquoi, interroge-t-elle, le corps peut-il être l’objet d’un tel rejet ? Lorsqu’un sujet s’automutile, maltraite son corps, s’agit-il de violence ou s’agit-il d’agressivité ? Voilà qui nous ramène au rapport entre le signifiant et le corps : il faut qu’il y ait un impact du signifiant sur le corps pour que le corps « se jouisse », pour qu’il soit « corporisé » il faut que l’Autre du signifiant le marque comme « chair à jouir ». D’où la question : lorsque la pulsion vise le corps propre comme « chair à jouir », où situer l’Autre ? Dans le fantasme ? Dans ce cas, l’Autre fait corps avec le sujet qui vise son corps comme s’il était maltraité par l’Autre. L’Autre est ici un des noms du Surmoi et ce qui est dans le viseur, c’est soi-même comme objet(a). La maltraitance relève alors de l’agressivité qui reste prise dans le symbolique.

Autre chose est la violence qui au contraire relève de quelque chose qui ne peut pas être symbolisé et qui s’oppose à la parole. La violence est « réelle », elle est le résultat de ce qui n’a pas pu être refoulé. « La violence contre soi-même relève de ce qui ne passe pas par l’Autre mais vise le corps comme objet réel qui n’a pas de sens » ; seule l’introduction dans le corps de la douleur éprouvée peut lui donner une consistance qui permet de nouer symbolique et réel, dans la dimension du « corps parlant » ; seule la douleur peut faire entrer le corps dans une dimension d’appartenance, elle est le médium entre le corps et la parole. « La violence contre soi est un des noms de l’irruption du réel dans le corps coupé de l’Autre. » A écouter en urgence !

Marie-Hélène Doguet-Dziomba,
Déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Notes :
1 Selon l’expression de Christiane Alberti, « De l’urgence de définir l’incidence politique de la psychanalyse », L’Hebdo-Blog n°94.
2 J.-A. Miller, « Propos sur la garantie », L’Hebdo-Blog n°94.
3 C. Alberti, op. cité.

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