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Publié le mercredi 30 novembre 2016

Le Prélude de la déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Prélude de décembre

Décembre 2016

L’actualité de décembre est celle du combat pour la défense de la psychanalyse, de son éthique, de son discours dont les effets irriguent de nombreuses institutions très diverses ; ceux-ci aident à penser, à mettre en acte l’accueil du « parlêtre » - terme inventé par Lacan pour désigner à la fois le sujet de l’inconscient et la jouissance pulsionnelle qui habite le symptôme. Or c’est bien l’accueil du parlêtre qui est mis à mal aujourd’hui dans les institutions de soins au sens le plus large, dont c’est pourtant la vocation. Cela vaut pour les patients, cela vaut aussi pour les soignants qui sont bien souvent empêchés d’accueillir, de soigner et d’accompagner. Les différentes réformes qui frappent à répétition les établissements sanitaires et médico-sociaux ont pour conséquence une compression phénoménale des moyens tant humains que financiers ; la mise en place actuel des Groupements Hospitaliers de Territoires (GHT) pourrait bien aller au-delà de la compression !

Ces réformes se revendiquent toutes d’un rationalisme scientiste qui va de pair avec le développement tentaculaire de bureaucraties sanitaires aux tendances fortement autoritaires. Leurs signifiants maîtres font des ravages : l’évaluation, « l’optimisation de la productivité du soin », « l’efficience », les « recommandations de bonne pratique », la certification etc. Chacun doit passer sous leurs fourches caudines. Elles prétendent séparer le bon grain de l’ivraie à partir d’un savoir déconnecté du réel qui oriente les pratiques des professionnels de terrain ; car ce réel échappe au chiffre, il est toujours singulier – pour qu’il puisse être cerné, localisé, traité, il faut un évènement que récusent nos bureaucraties : une rencontre qui porte à conséquences. Et pour qu’il y ait ce type de rencontre, il faut que les praticiens puissent penser soigneusement les conditions qui vont la rendre possible. Pas d’accueil, d’accompagnement, de soins sans cet évènement transférentiel permettant une mise en forme du symptôme et de sa répétition. Sinon c’est le passage à l’acte garanti, l’acting out généralisé, la disparition du sujet qui s’évanouit face au « trop » de jouissance ! Ce qui est démenti revient toujours selon le principe du pire. Nous ne pouvons avoir la moindre complaisance face au pire qui s’annonce.

Dans la novlangue bureaucrate, un glissement sémantique a attiré mon attention : « l’offre de soins » a disparu au profit de « l’offre de santé ». Une telle substitution ouvre la voie vers la possibilité d’une offre de santé sans soins ! D’une certaine façon, le concept « d’éducation thérapeutique » évolue dans cette zone problématique. De même, la « santé au travail » est devenue « la qualité de vie au travail », éludant par-là même la question de la qualité du travail. L’interposition du mot « vie » pourrait bien être l’index d’un choix forcé du type « la bourse ou la vie », dans un contexte où les suicides de soignants se multiplient.

Laissons la parole à une responsable de la Haute Autorité en Santé : « La « porte d’entrée » de la qualité de vie au travail n’est pas centrée sur la santé des professionnels à proprement parler. Il s’agit plutôt de développer une approche s’intéressant aux changements technico-organisationnels, qui prenne en considération les conditions de travail : la question de la santé physique et mentale des professionnels doit donc être prise en compte dès qu’une modification de l’organisation de l’activité est envisagée (par exemple, l’élargissement d’horaires ou la fusion d’établissements). Ce concept de qualité de vie au travail a été nourri par des négociations entre les partenaires sociaux, que ce soit pour le secteur privé à but lucratif, les fonctions publiques ou encore le secteur privé à but non lucratif. Conformément à sa définition, la qualité de vie au travail constitue une dimension à part entière de la performance (…) Cette définition reconnaît une expertise des professionnels sur leur travail et nécessite de repenser l’empowerment de ces professionnels dans leur exercice quotidien1. » Autrement dit, je ne trouve pas de meilleure définition de la « qualité de vie au travail » que celle d’une aliénation renforcée des soignants !

C’est pourquoi l’ACF Normandie a décidé d’organiser un Forum Psy consacré aux « Souffrances au travail chez les soignants ». Vous trouverez son Appel dans POL. Son sous-titre est « Suicides de soignants. Psychiatrie mise à mal par les réformes. Bureaucraties sanitaires, tyrannie du chiffre et des normes ». Il aura lieu le samedi 7 janvier 2017 à Rouen. Nous vous attendons nombreux, et vous pouvez trouver sur POL les premiers textes préparatoires à ce Forum. D’autres suivront. Tous les praticiens qui s’orientent de la psychanalyse sont en première ligne dès lors qu’une grave menace pèse sur l’accueil du parlêtre.

Cette menace, nous la retrouvons dans la Proposition de Résolution liberticide déposée par le Député Daniel Fasquelle, Président du « Groupe d’études : autisme » de l’Assemblée Nationale. Cette Proposition haineuse demande au Législateur d’interdire et pénaliser la psychanalyse dans la prise en charge des enfants, adolescents, adultes autistes, en s’appuyant sur une lecture particulière des « recommandations de bonne pratique » de la HAS concernant la prise en charge des sujets autistes. Le « non consensuel » que la HAS avait attribué à la psychanalyse devient le « non recommandable », et le « non recommandable » devient l’interdit « criminalisé ». Les « recommandations » sont conçus comme des injonctions, selon le principe du surmoi contemporain : tout ce qui est possible devient obligatoire.

L’Ecole de la Cause Freudienne a immédiatement réagi et lancé une action de grande envergure, en rédigeant une Lettre aux Députés soutenue en 48h par plus de 6000 signataires sans que le rythme de signatures ne faiblisse. Si vous ne l’avez pas encore signée, vous pouvez la lire dans POL et nous vous invitons à la faire signer massivement autour de vous. D’autres initiatives suivront. La Bataille de l’autisme commencée en 2012 va se poursuivre, et l’ACF Normandie continuera inlassablement son travail d’élucidation et d’interlocution avec tous ceux qui accueillent, accompagnent les personnes autistes !

Marie-Hélène Doguet-Dziomba,
Déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Note :
1 « Devenir hôpital ou structure de santé promoteur de santé : quels avantages ? » Actes Séminaire HSPS 2014, p. 22-23.

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