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Publié le vendredi 9 septembre 2016

Le Prélude de la déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Prélude de Septembre

Septembre 2016

L’ACF-Normandie fait à sa manière sa « rentrée des classes ». Cette scansion structurante constitue un témoignage social de notre rapport à la transmission du savoir.
Pour l’ACF-Normandie, ce moment sera marqué par la tenue d’un Intercartels, le 17 septembre à Rouen, sous le titre « Ce qui s’accomplit dans un cartel ». Le cartel est « l’organe » inventé par Lacan pour mettre au travail la transmission du savoir en psychanalyse – chacun des cartellisants peut y mettre en forme sa question, qu’elle porte sur la clinique, sur un concept, sur une opacité ; chacun peut s’y nourrir et nourrir la réflexion des autres, chacun peut y produire sa « pièce détachée », un bout de savoir. Car la fonction du Plus-Un, incarnée dans une Plus Une personne, permet que le trou dans le savoir ne soit pas bouché par les savoirs institués, et qu’au contraire il devienne la condition d’une invention possible. Nous verrons ce qu’il en est de cet « accomplissement » pour les cartellisants qui s’exprimeront, et nous encourageons tous les « mordus » à venir – ils pourront constituer à leur tour des cartels !

La rentrée, c’est aussi l’occasion de lire sur l’Hebdo-Blog et Lacan Quotidien les textes de nos collègues niçois, qui ont su trouver les mots pour « faire trace de l’évènement » effroyable du 14 juillet, cerner ce qui a été touché par le massacre de la Promenade des Anglais, cerner ce qui était en cause. Comme l’écrit Philippe de Georges : « On peut dire que la haine est aveugle aussi bien qu’on peut la dire lucide : elle vise la vie et tout ce qui fait lien. » Il précise : « Nice, à plus d’un titre, est un lieu de passage. Une terre pour gens étrangers ou étranges, comme Nietzsche dansant de bonheur sur cette Promenade où il voyait une corne d’Afrique plantée dans le flanc de l’Europe. Tout cela fait que la psychanalyse est ici chez elle, malgré les chromos et les cartes postales, les caricatures et le pastis. Nice est charnellement extime. C’est une des choses que l’on voulait frapper, en même temps que cette fête et son insupportable liberté. Car c’est la joie et la liberté qui ont été visées, à Nice comme à Paris et Bruxelles, aujourd’hui comme hier, par « les ennemis du genre humain ». » L’extime, à la fois le plus intime et le plus étranger en nous, le Prochain étranger, c’est précisément ce dont s’occupe une psychanalyse pour chaque sujet, comme le rappelle avec force Christine de Georges : « Le crime, à vouloir anéantir les styles de vie actuelle dans la variété de ses tendances et de ses formations, à vouloir anéantir la société du spectacle, de la fête et de la consommation, cherche à faire porter la question du défaut ou de la faute du symbolique sur la société, alors que cette question concerne le sujet lui-même […] du côté du mode de traitement […] de la question de la jouissance, la sienne et celle de l’autre, en dehors du retour funeste de la religion, de la tradition ou des principes extrémistes. C’est peut-être à ce titre que la guerre interpelle les psychanalystes. Le sujet a la charge de sa jouissance ; c’est à ce prix qu’il est responsable. » L’ACF-Normandie continuera à mettre au travail ces questions centrales dans la crise de la civilisation actuelle.

La rentrée, c’est déjà l’annonce de plusieurs rencontres à venir, qui sont aussi bien nos réponses en termes d’éros du désir : une journée le 23 septembre, organisée par Laurence Morel et Catherine Schvan à La Guéroulde, où l’ACF sera accueillie par l’association La Source, sur le thème « L’enfant et la création : quels partenaires pour inventer le singulier ? » ; un après-midi à Saint-Lô, le 8 octobre, autour des « Savoir-faire adolescents » où il sera question d’initiatives passionnantes – « Parentibus », « Les promeneurs du net » et de deux projets de lycéens : « Balance ta dépendance », « Le silence est violence ». Nous aurons aussi le plaisir d’y entendre notre collègue Normand Chabot, membre de l’ECF, président de l’association parADOxes ; enfin le séminaire Arts-connexion vous invite à une soirée, le 14 octobre, autour de la pièce de Mohammed El Kathib « Finir en beauté » qui sera suivie d’un débat avec l’équipe artistique auquel des membres de l’ACF participeront. Voici la trame de la pièce : « Mohammed El Khatib, à partir d’entretiens enregistrés, reconstruit une sorte de journal, débuté le jour de la mort de sa mère, de ces moments où tout se précipite, où chaque mot, chaque geste prend tout son poids. Entre silence et absence, Mohammed El Khatib nous parle avec tendresse, humour et ironie de sa mère exilée pour qui le désir de vivre fut bien plus fort que la réalité de la mort. Que reste-t-il d’elle après sa disparition ? » Cet évènement sera le premier d’une série de dialogues avec le Centre Dramatique National de Normandie.

L’horizon de la rentrée, c’est bien sûr la tenue des 46es Journées de l’ECF « L’objet regard », les 5 et 6 novembre. Vous pouvez d’ores et déjà vous y inscrire ; beaucoup d’entre vous reçoivent son formidable journal Matuvu. Gérard Wajcman dans son ouvrage de référence L’œil absolu, propose d’ouvrir les yeux sur le fait qu’une nouvelle civilisation est en train de naître dont nous sommes les sujets : « On nous regarde ». Le fait est le suivant : « L’extension du dom aine du regard suit la montée du discours de la science ». Il précise qu’une volonté anime le discours de la science : « Voir, tout voir, voir tout de tout ». Le discours de la science injecte dans notre désir de voir « une croyance et une promesse : qu’on puisse tout voir ». Cela change ce désir dans sa nature. « Le désir de voir, souligne-t-il, s’est mué en volonté de tout voir. Et cette volonté s’impose désormais comme une loi […] Il y a maintenant une exigence de visibilité » (p. 13-14). Une citation et son commentaire m’ont intéressée dans son livre, celle d’Anaëlle Lebovits qui écrivait en 2007 dans Le Diable probablement n°2 que « pour cacher quelque chose, il faut s’y reconnaître ». G. Wajcman en déduit qu’un « individu consent à s’exposer au regard dans la mesure où il pense que ce regard ne le vise pas comme sujet, en considérant qu’il n’est pas impliqué, pas responsable de ce qui se voit de lui. Ça expliquerait l’aisance enthousiaste de certains, de beaucoup, à s’exhiber » (p. 187).

En contre-point, Laurent Dupont, le Directeur des J46, souligne dans son argument que « nous sommes avant tout des êtres regardés. Le regard, c’est toujours le regard de l’Autre. » Il ajoute : « C’est précisément ce qui ne me voit pas qui m’attrape comme regard. Et si les objets semblent lorgner dans notre direction, c’est en tant qu’ils impriment profondément, physiquement l’image qu’ils nous renvoient de nous-mêmes. Car notre corps éprouve le regard, il est pris par celui-ci suivant des modalités infiniment variées. Ces Journées auront à explorer la clinique du regard : les souffrances du comment je me vois, comment je me regarde, comment l’autre me regarde, mais aussi celles du donner à voir comme de la soustraction au regard, anorexie, boulimie, phobie, scarification et aussi bien tatouages, expérience du corps à l’aide de substances, ou encore addictions. » Il est intéressant de noter cette tension entre « ce qui m’attrape comme regard », éprouvé par mon corps, et ce dans quoi nous ne nous reconnaissons pas. Gageons que nous poursuivrons cette exploration lors de l’Après-Midi préparatoire aux J46 que l’ACF Normandie organisera le 15 octobre à Rouen.

Bonne rentrée !

Marie-Hélène Doguet-Dziomba,
Déléguée régionale de l’ACF-Normandie

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