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Publié le lundi 7 juin 2021
Colloque de l’ACF au Havre
Actualité de la causalité psychique - Que devient la folie dans nos pratiques ?
Dans l’après-coup de la journée du 29 mai 2021
Quentin Metsys, Allégorie de la folie
Le samedi 29 mai, l’ACF en Normandie organisait un colloque au Havre et recevait Fabien Grasser, psychanalyste, membre de l’École de la Cause freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse, ancien chef de service de l’Unité clinique Jacques Lacan à Yerres, ancien directeur du CPCT (Centre Psychanalytique de Consultations et de Traitements) de Paris, sur le thème :
« Actualité de la causalité psychique - Que devient la folie dans nos pratiques ? »
Dans l’après-coup, Marie Izard, membre de l’ACF en Normandie et Isabelle Izard Blanchard rendent compte de cette journée de travail.
Un colloque rondement mené, une équipe de choc ! Et surtout au coeur d’une actualité qui dure car depuis plusieurs années déjà, la destruction de l’hôpital psychiatrique est à l’oeuvre. La question qui a traversé ce colloque s’articule autour finalement, de comment continuer à défendre une idée, ou plutôt une pratique de la psychiatrie qui tienne compte du parlêtre ? C‘est-à-dire de sa singularité et aussi de sa souffrance ! Car n’oublions pas que les personnes qui s’adressent à un analyste, à un psychiatre, à un psychologue, souffrent.
Des signifiants ont insisté : le non-aimable, le lieu, accueil, rencontre.
Pour accueillir le « non aimable », la nécessité de « constituer un lieu d‘accueil » s’impose. Un lieu, pas seulement spatial, mais un lieu qui rende possible la rencontre. Les interventions de tous nos collègues témoignaient de leur attention aux divins détails. Leur façon d’entendre, d’orienter les entretiens tout au long de la cure, finement, serrant au plus près les dires de leurs analysants forcent le respect. C’est de la dentelle ! Ce fut l’expression de la présidente de la table. Une dentelle tissée à partir des énoncés du patient. J’ai été sensible à ces diverses énonciations bien loin des discours vides, creux, protocolaires et de ce fait, mortifères.
Ce colloque, juste dans l’après-forum Arrêtons l’arrêté ! est la marque, la trace de la puissance du discours analytique. Malgré les difficultés, importantes, complexes, qui nous font entrevoir un noir destin, nos collègues ont su nous transmettre la façon dont la cure opère, mais aussi l’usage riche des concepts analytiques d’orientation lacanienne auprès des professionnels dans les analyses de pratique. Malgré la mort programmée de la psychiatrie, de celle qui prêtait à l’hôpital une fonction d’asile, d’abri, nécessaire, utile, malgré la montée au zénith du « tout-neuro », ce colloque a su nous percuter ! Cela participe de notre réveil, alors si nous avons la responsabilité d’arrêter l’arrêté.
Marie Izard
Note :
1 J’ai emprunté à nos collègues un certain nombre de leurs formules et signifiants particulièrement marquants.
L’actualité de ce colloque est brûlante. Que devient la folie dans nos pratiques ?
Tout d’abord merci à toutes et à tous ! Je me sens « réveillée » après ce long confinement particulièrement rude du côté de mes engagements professionnels. L’intervention de Fabien Grasser a suscité des retours en arrière de ce qui s’est passé dans les deux institutions dans lesquelles je travaillais.
Quand il dit ceci : « Trouver le moyen de maintenir la psychanalyse dans les services », c’est ce que nous avons tenté de faire au sein du centre psychiatrique où j’ai travaillé. Le cognitivisme systémique y a fait des ravages, la lutte fut rude, ordre des instances de « perdre la mémoire », faire table rase du passé... Après une année de lutte pour défendre notre clinique faite à partir de la rencontre, de l’accueil de la folie, du tissage des liens avec des patients psychotiques en errance, ordre nous a été donné de partir. La maltraitance des patients et des soignants dépassait ce que nous pouvions supporter. Je fis le choix de partir, j’avais envie de terminer ma carrière non pas usée, malmenée mais dans l’énergie et une certaine satisfaction d’un travail accompli. J’ai pris le temps de dire au revoir aux patients, aux collègues, laisser une trace aussi infime soit-elle. Une trace qui pourra peut-être faire mémoire...
Formatrice en psychopathologie de l’adulte, j’exerce en qualité de psychologue clinicienne depuis 20 ans. Pour la première fois, le responsable formation du lieu de stage où je dois me prendre exige un formateur non orienté par la psychanalyse. Dans un premier temps, sous le choc, je n’en dis rien. Puis vint le colloque et cette phrase de Fabien Grasser « Le semblant de ne pas se confronter à la soumission ». Je ne sais pas si je l’ai bien comprise mais elle m’a percutée. Depuis 20 ans, je me « balade » dans tous les hôpitaux de France, je rencontre des équipes, des soignants, des non soignants, et je leur parle, de la psychose, de la clinique du trauma... Je leur parle dans ma langue, avec la sensation, parfois d’être « en sous marin », c’est-à-dire, tordre un peu la demande de formation de l’hôpital et éclairer la psychopathologie par la psychanalyse. Par des cas cliniques, les inventions des sujets pour se tenir au monde, les bricolages, la clinique du sujet, la question du transfert... Ce n’est pas dans le « programme » de formation, et pourtant c’est, toujours, ce qui anime les participants.
Transmettre, raconter, continuer mes balades partout où il y a des soignants sans boussole, pour qui je tente « une petite greffe de langue ».
Me soumettre avec le semblant qui va avec...
Isabelle Izard Blanchard
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