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Publié le mercredi 25 septembre 2024

Les membres proposent... 2024-25

D’images et de chair : le corps

Les mardis 19 nov., 17 déc. 2024, 21 janv., 4 mars, 1er avril, 6 mai, 3 juin 2025 - 20h30 - Rouen ou visioconférence

Hans Baldung, Aristote et Phyllis, 1513







D’images et de chair : le corps



Nous proposons sept soirées de novembre 2024 à juin 2025, comportant chacune deux exposés d’une demi-heure et une large place à la discussion.
Quatorze intervenants s’attacheront à aborder le thème « D’images et de chair : le corps », chacun à partir du point où il en est dans son travail théorique, son analyse ou sa pratique clinique, et proposera un exposé étayé sur un texte de Freud et/ou de Lacan.


L’argument :



Le problème avec la psychanalyse, c’est que pour elle le corps ne compte pas, elle ne s’occupe que du psychique !

Combien de fois n’avons-nous pas entendu cette ritournelle. Sur la base de ce grief prolifèrent nombre de nouvelles thérapies, hors du champ médical, qui, elles, font grande publicité de leur souci du corps et de ses symptômes, particulièrement ceux qui sont considérés comme d’origine psychique et baptisés psychosomatiques. Ce couplet est connu. Il est connu mais inexact. Le corps est en fait au centre de l’expérience analytique. Ce séminaire aura pour ambition d’en témoigner.

Disons quand même que pour lui donner cette place centrale la psychanalyse aura dû l’extraire du magasin des idées reçues et lui faire subir quelques retouches.

Selon la Doxa, le corps s’inscrit dans une dualité qui distingue et associe une partie immatérielle, appelée âme, esprit ou pensée et une partie matérielle, le corps lui-même. Dans cette dualité, il n’a guère le beau rôle, il se révèle serf de la pensée qui le soumet à sa puissance pareillement au pilote d’un navire si l’on se réfère à l’allégorie d’Aristote reprise par Descartes, ou pire, il est le tombeau où choit l’âme-pensée si c’est à Platon et son célèbre jeu de mots Soma-Sêma que l’on se réfère. Ce corps-là relève du discours ou de la pensée qui dénie l’existence de l’inconscient, Lacan l’appelle la pensée du manche1, c’est la pensée du maître qui croit tenir le manche et avoir le corps à sa main, c’est la pensée de tout sujet qui « s’imagine maître de son être2 ». C’est aussi ce que pourrait interpréter une première lecture de la gravure de Hans Baldung3 choisie pour l’illustration de ce séminaire : l’âme, ou pensée du manche, qui tient en bride le corps qu’elle chevauche, armée du manche ici représenté par le fouet. Une autre lecture, qui renverse complètement ces valeurs idéales, est plus proche de la vision de l’artiste. Elle consiste à donner à la pensée la position inférieure d’esclave et à mettre le corps en position supérieure de maître. Bien que la pensée ait les traits d’Aristote, synonyme du summum de la raison, loin de tenir le manche, elle est ridicule, nue, à quatre pattes, courbée et menée par les caprices de sa maîtresse. À l’inverse de l’âme raisonnante soumettant le corps, ce serait plutôt l’âme défaillante et asservie. Asservie à quoi ? au plaisir ou à la jouissance du corps si bien suggérés par le corps dénudé de la jeune cavalière jubilant d’exercer sa maîtrise. Que la raison puisse consentir à cette déchéance est bien entendu une faute dont le coupable est connu : le corps, d’ailleurs plutôt appelé dans ce cas : la chair. Dans la Bible la chair est dénoncée par Jésus lui-même : « L’âme est forte mais la chair est faible4 » et corruptrice de l’âme. Plus radical, saint Augustin parle des « vicieuses inclinations de la chair5 » !

Et qu’en dit la psychanalyse qui a affaire à toutes ces catégories, y compris à celle de chair ? Mettre le corps au centre de sa pratique est bien joli mais quel corps ? Le corps qui obéit à la pensée ou bien la chair qui entrave la pensée et fomente sa corruption ? Question plus difficile : faut-il admettre sans broncher le principe d’un dualisme ? Et si oui, lequel, le plus ancré dans nos têtes, celui de Descartes qui associe la pensée qualifiée de substance pensante et le corps qualifié de substance étendue ? Lacan s’y est maintes fois référé et l’a situé comme un point de départ… au prix, bien sûr, d’en faire une relecture très personnelle, déclinable en plusieurs temps.

Temps 1 : Descartes a eu bien raison de considérer le sujet comme séparé du corps puisque le corps est compatible avec la substance étendue alors que le sujet ne l’est pas. Pourquoi a-t-il eu raison ? Parce que pour Descartes le corps est fait de cette substance étendue qui est mesurable, alors que la pensée est hétérogène à toute propriété mesurable. Lacan approuve cette vision d’un sujet (ici sujet désirant) qui n’est pas réductible à la seule dimension symbolique d’une mesure de type mathématique, donc il approuve un sujet séparé du corps.

Temps 2 : Descartes a eu tort, il n’y a pas de raison d’identifier le corps avec la substance étendue. Le corps, en tant qu’il a la capacité de jouir, est lui aussi incompatible avec la réduction de la mise en étendue mesurable.

Temps 3 qui sort du chapeau : si le corps est incompatible avec l’étendue alors le corps rejoint le sujet, lui aussi incompatible avec l’étendue, et par conséquent la question de l’union du sujet avec le corps n’en est plus une6. Cette fois-ci : bye-bye le dualisme de Descartes !

Si l’on renonce au dualisme et à son premier avocat, Platon, faut-il pour autant recourir à la théorie d’Aristote qui propose un modèle tripartite : le corps, l’âme et l’esprit (nous), en distinguant l’âme, indissolublement liée au corps et donc mortelle, de l’esprit immortel et extérieur au corps ? Question subsidiaire : si nous nous retrouvons dégagés du dualisme, comment valider alors le principe d’une cause psychique de certains symptômes physiques et continuer de les appeler psychosomatiques ?

Les questions sont d’autant plus nombreuses et délicates que Lacan n’a pas cessé tout au long de son enseignement de faire bouger le concept de corps.

Dans les premiers séminaires, la fonction utilisée est la fonction de l’image. Au début de la vie le corps n’est pas donné, ce qui en tient lieu est un morcellement organique qu’il faut unifier. L’action du stade du miroir dessine une image unifiée dont le sujet peut alors se parer et qui passe à ses yeux pour être son corps. Bien que n’étant qu’une image, cette image permet au sujet de donner une forme unitaire de corps à l’organisme morcelé. Le corps de cette première période est exclusivement imaginaire. Le reste de l’organisme demeure hors de prise du sujet. Ce corps-image initial de Lacan sera complété mais jamais dépassé, bien au contraire !

La seconde période de Lacan que l’on peut dire classique, la plus connue, est celle de l’action de la structure symbolique. Le corps est alors passé au crible du mot, symbolisé, et même dévitalisé par le signifiant. Ce que le sujet prend pour son corps n’est finalement que tissage signifiant : il sent son cœur battre d’amour ou sa main trembler au moment de demander la main de sa belle. Ce corps que le sujet croit être, qui n’est que corps symbolique, c’est en fait le langage qui le lui décerne7. Toutefois, dans cette période du corps-symbolique, une modification théorique est à prendre en compte. Il y a le premier temps de la théorie du langage où le symbolique se substitue au corps par l’opération de représentation du corps et il y a le second temps de la théorie du langage, celui de la lalangue, où « le symbolique fait le corps de s’y incorporer ». Le concept d’incorporation se substitue à celui de représentation. L’accès au réel du corps et à sa jouissance, soit l’enjeu de notre pratique, s’en trouvera renouvelé : il reposera non plus exclusivement sur le maniement du signifiant et du signifié, son effet, mais sur le maniement de la lettre et de son effet, la réduction du sens.

La troisième période ajoute au corps unifié par l’image, et au corps identifié au symbolique, le corps qui jouit. Soucieux de différencier le corps symbolique, dévitalisé par le signifiant et surnommé pour cette raison « Corpse », cadavre, Lacan baptise à l’occasion du terme de chair ce qui reste de substance jouissante, bien vivante, après la mortification symbolique.

Pour reprendre la synthèse de Jacques-Alain Miller, il y a donc trois corps : le corps comme imaginaire ; le cadavre comme symbolique ; et la chair comme réel8.

Le fait que le corps-chair soit arrivé en dernier dans la succession des séminaires devrait peut-être nous inviter à en privilégier l’étude mais ce serait une erreur de s’empresser d’abandonner pour autant le corps-image des débuts pour cause d’obsolescence, et ceci pour la bonne raison que les derniers développements, notamment ceux du séminaire XXIII, Le sinthome, le remettent en pleine lumière sous la forme du « sac de peau » qui assure notre unité imaginaire si importante dans la clinique, « l’idée de soi comme corps », dit Lacan, empruntant une formule qu’avait déjà utilisée Aristote pour définir l’âme. Finalement, c’est définitivement Aristote plutôt que Platon !

Si, pour la psychanalyse, le corps compte !

Il compte parce qu’elle ne le réduit pas au seul corps-symbolique, au cadavre, contrairement à toutes ces thérapies, filles de notre époque neuro-scientiste, qui usent exclusivement du levier de la suggestion signifiante pour lui faire tout le bien qu’elles lui veulent. Le corps ne compte vraiment, qu’à condition de lui reconnaître ses dimensions d’images et de chair.

Eric Blumel

Notes :
1 Cf. Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore, [8 mai 1973], texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1975, p. 100.
2 Lacan J. Autres écrits, « La logique du fantasme », compte rendu du séminaire 1966-1967, Seuil, Paris, 2001, p. 324.
3 D’après Hans Baldung, Aristote et Phyllis, 1513, (élève de Dürer), gravure sur bois de fil, Nuremberg, Allemagne.
4 Évangiles, saint Matthieu, 26, 41 et saint Marc, 14, 38.
5 Confessions, saint Augustin, [396-397], traduction Port-Royal, Folio, Paris, Gallimard, 1993, p. 132.
6 Cf. Lacan J., Le séminaire, livre XIV, La logique du fantasme, [10 mai 1967], texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2023, p. 330. (Je dois à José-Luis Garcia Castellano d’avoir attiré mon attention sur cette référence du séminaire XIV).
7 Cf. Lacan J., « Radiophonie », Autres écrits, [juin 1970], Le champ freudien, Paris, Seuil, 2001, p. 409.
8 Cf. Miller J.-A., La psychose ordinaire, La convention d’Antibes, [1998], Collection Le paon, Agalma Le Seuil, p. 320.


19 novembre 2024 : Alexia Hautot et Delphine Souali

17 décembre 2024 : Nathalie Herbulot et Elisa Ali-Chérif

En 1975, dans sa « Conférence à Genève sur le symptôme », Jacques Lacan délivrait à l’assistance de précieuses indications concernant la parole dans l’autisme, dont cette fameuse formule : « Que vous ayez de la peine à entendre, à donner sa portée à ce qu’ils disent, n’empêche pas que ce sont des personnages finalement plutôt verbeux ».
Pendant cette soirée de travail, nous nous pencherons sur cette façon singulière de prendre de la parole et plus largement sur les modalités autistiques d’investissement du langage.
Nathalie Herbulot

Pour cette soirée je m’appuierai sur l’article de Jacques Alain Miller « Jacques Lacan et la voix », pour tenter d’éclaircir en quoi La Voix n’est ni la parole ni le langage : « [La] voix est exactement ce qui ne peut pas se dire. »
Nous tenterons également d’approcher comment la Voix met en jeu pour un sujet la question du désir de l’Autre.
Elisa Ali-Chérif

21 janvier 2025 : Elodie Guignard et Héloïse Dupont

4 mars 2025 : Samantha Anicot et Bertrand Barcat

1er avril 2025 : Lydie Lemercier et Valérie Letellier

6 mai 2025 : Mylène Santos-Pellerin et Xavier Roux

3 juin 2025 : José Luis Garcia Castellano et Maxime Chesneau


Ce séminaire est organisé par Bertrand Barcat, Éric Blumel et José-Luis Garcia-Castellano.

Il aura lieu les mardis 19 novembre, 17 décembre 2024, 21 janvier, 4 mars, 1er avril, 6 mai, 3 juin 2025 de 20h30 à 22h30 à la Maison de la psychanalyse.

Maison de la psychanalyse en Normandie,
48 rue l’Abbé de l’Epée, à Rouen (76).
Consulter le plan d’accès »

Les personnes qui ne peuvent pas se déplacer à la Maison de la psychanalyse pourront assister aux soirées en visioconférence.

L’accès aux soirées est libre, avec participation aux frais : 5 € par soirée ou 25 € pour l’année et pour l’ensemble des séminaires proposés par l’ACF-Normandie. Réduction de 50 % pour les étudiants.

Si vous souhaitez recevoir les textes à l’avance ou assister à une ou plusieurs séances du séminaire en visioconférence, contactez Bertrand Barcat, Eric Blumel ou José-Luis Garcia-Castellano


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