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Publié le mardi 15 juin 2021

Université Populaire Jacques-Lacan

IRONIK ! – Juin 2021

Le bulletin Uforca numéro 47




 LE RIRE d'EOLE


Quand la parole (ne) circule (pas) dans les institutions


Ce samedi 5 juin aura lieu le colloque UFORCA La psychanalyse indispensable en institution1.
Durant cette journée se présentent et se discutent des situations cliniques où se déploie − librement ou par contorsions − la parole dans les établissements de soins.

Quand la parole circule dans les institutions… Et quand elle n’y circule pas… Comment est-ce ? Quand le récit qu’un être humain se fait de lui-même2, quand ce récit, qui a aussi été porté par l’Autre, et qui se déploie dans une parole, ne peut pas être adressé et ne peut pas être entendu, alors que se passe-t-il ? Quand n’advient pas ce nouveau jour3 créé par cette parole adressée, cette parole qui porte au dire, que reste-t-il ?

C’est pourtant ce que vise l’arrêté du 10 mars 2021. Ce texte qui souhaite régler les pratiques des psychologues en établissant une liste limitative des obligations de formations et des pratiques, éradique par conséquent la parole comme élément précieux.
Avec cet arrêté, l’humain n’est plus ce sujet qui parle. Il est ce corps réduit au cerveau, il est cette image réduite aux zones cérébrales et aux interactions de ses synapses. Plus besoin de dire ce qui ne va pas avec des mots, des articulations de phrases, des intonations, un verbe plutôt qu’un autre, un adjectif qui tenterait de cerner l’intensité du trouble…

Outre la mise au pas selon une certaine modalité de pensée (la thèse neuro), c’est, derrière cet ordre promulgué, tout autant l’effacement de la diversité des choix que sa réduction à un type de formation, à un angle de vue. Pour qu’advienne la pensée unique, il faut viser la réduction.

Près de 10 000 personnes ont suivi le forum à un moment ou à un autre de la soirée. Près de 10 000 personnes ont pu entendre les incohérences théoriques et les sauts logiques tapis dans la constitution de cet arrêté : tout d’abord les recommandations d’il y a 11 ans n’ont pas été actualisées4, ensuite, par définition, les recommandations de l’HAS n’ont pas vocation à devenir des obligations5, sans oublier que la présomption scientifique qui soutient les recommandations6 demeure une présomption, c’est-à-dire, un « jugement fondé non sur des preuves, mais sur des indices, des apparences, sur ce qui est probable sans être certain7 ».
La fragilité de cette fiabilité scientifique, pseudo fiabilité que les tenants de cet arrêté brandissent haut la main, fut démontrée lors de ce forum qui peut être visionné sur internet8.

À chacun, désormais, de lutter concept par concept9 pour affronter ceux qui pensent lire à livre ouvert, dans les neurones du cerveau, l’écriture mathématique du désir, de l’amour, de la jouissance, bref de la « parlote du parlêtre » (Lacan).

Pénélope Fay

Note :
1 La psychanalyse indispensable en institution
2 Dupont L., « Un être humain, c’est un récit », Forum-psychologues : Arrêtons l’Arrêté, le 27 mai 2021.
3 Ibid.
4 Landman P., op.cit.
5 Dupont L., op.cit.
6 Balamich P., Président de la fédération des CMPP.
7 Définition du Larousse.
8 Forum - Psychologues : Arrêtons l’arrêté
9 Castanet H., op.cit.

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Avant-goût



Section clinique en extension : une flèche vers les institutions


Dans Radiophonie, Lacan parle de « l’incidence politique où le psychanalyste aurait place s’il en était capable1 ». Il avait l’idée, comme le précise J.-A. Miller, « qu’il fallait sortir le psychanalyste de sa routine2 ».

Le transfert à la psychanalyse, d’ailleurs, ne supporte pas la routine, ce qui suppose de se mettre à son service, là où ce qui vient au poste de commande est la rigueur de l’élaboration clinique et théorique, appelant à toujours plus d’invention. L’invention s’oriente de notre époque et des pratiques. Pratique en institution dont il sera question lors de la prochaine journée d’UFORCA La psychanalyse indispensable en institution le 5 juin prochain. Ce numéro d’Ironik est une flèche vers les institutions. Il ne s’agit pas ici de cure mais des lieux où trouver « une façon de s’y prendre » avec les sujets rencontrés. D’être le partenaire du sujet, non sans une direction. Direction orientée par la clinique et de ce qui fait la structure du sujet. C’est un « comment faire » qui se décline dans les quatre textes où chacun des auteurs a pris le parti de revenir aux fondamentaux de la psychanalyse lacanienne pas sans le retour à Freud : de la place du symptôme, de la répétition, du passage à l’acte et du rapport du sujet avec ses pensées, en lien avec la clinique du cas.

Éric Zuliani introduit son propos sur le symptôme en tant qu’il est une solution pour le sujet, « un destin plutôt favorable pour un sujet » là où d’autres orientations visent à son éradication par la rééducation, la désensibilisation… Le comment faire ici s’oriente sur le versant de la parole, pas n’importe laquelle, une parole qui ne soit pas anonyme, laissant le champ au silence. Comment s’oriente alors la pratique ? À partir de « l’acte de jugement » où il s’agit de « décider si la règle en théorie s’applique ou non au cas présent3 ». S’orienter à partir du symptôme ouvre vers l’invention où l’institution n’est pas Une mais plurielle, singulière, où le sujet bricole.

Le symptôme qui ne cesse pas de s’écrire ouvre la voie à la répétition, socle du texte de Solenne Albert. De la compulsion de répétition freudienne à la jouissance mauvaise, point de réel non résorbable dans le symbolique, S. Albert soutient son propos à partir du Séminaire Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, de l’enseignement de J.-A. Miller, de la clinique et de ce qui fait point de butée tant pour le sujet que pour l’institution. Le réel à la manœuvre de la répétition prend les indices du symptôme dans la névrose, et là où il est sans voile dans la psychose, où le sujet est en prise directe avec lui, l’institution peut être un abri, un lieu pour y loger sa solution.

Le symptôme, solution du sujet dévoilant la répétition, indice de la frappe du signifiant sur le corps, peut se dévoiler dans les phénomènes de la pensée. Fouzia Taouzari discerne les phénomènes de la pensée à partir de la structure : névrose obsessionnelle, psychose ordinaire. L’auteur reprend le cas paradigmatique de la psychanalyse : « L’homme aux rats » de Freud.

Le symptôme comme lien social, le passage à l’acte comme rompant le lien : il tend aujourd’hui à prendre le pas sur le dire dans les institutions. Bernard Porcheret reprend dans son intervention les coordonnées de ce qui fait passage à l’acte à partir du binaire névrose/psychose. Dans le cas des névroses, on peut différencier acting out et passage à l’acte. L’acting out est adressé à l’Autre, c’est la montée sur la scène de ce que le sujet n’arrive pas à dire. Le passage à l’acte est une sortie de scène, le sujet se sépare de l’Autre. Dans la psychose, l’Autre est un autre jouisseur, persécuteur ou érotomane. À défaut de s’être séparé de l’Autre primordial dans l’opération aliénation/séparation, le sujet a recours au passage à l’acte, au suicide, à l’automutilation, aux scarifications, à l’agression comme tentative de séparation et d’extraction de l’objet a dans le réel puisque le symbolique ne l’a pas opéré. Boussole ici indiquée déterminante dans le « comment faire » avec le sujet.

S’orienter à partir de l’enseignement de Lacan dans sa pratique en institution, c’est faire le pari du réveil.

Laurence Fournier

Notes :
1 Lacan J., « Radiophonie », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 443.
2 Miller J-A., « La psychanalyse, la cité, les communautés », La cause freudienne n°68, p. 105.
3 Kant E., cité par É. Zuliani, in « Vers les institutions – Comment faire avec les symptômes ? » dans ce n°47 de Ironik !

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 SOMMAIRE :

TRAVAUX D'UFORCA


A LA UNE


Comment faire avec ceux qui passent à l’acte ?
Bernard Porcheret, Section clinique de Nantes

Institutions sociales, médico-sociales, institutions de l’éducation spécialisée, institutions médicales et psychiatriques... Si le patient se trouve dans l’une de ces institutions, on peut penser qu’il ne peut se trouver ailleurs du fait de son état ou de ses comportements. Des consultations ou des prises en charge médicales ou sociales extra-institutionnelles n’ont pas permis de régler les difficultés que rencontre le sujet. Il y a donc une spécificité de la clinique en institution, plus spécialement en charge de la question du passage à l’acte. Lire la suite


NOS DERNIERES PUBLICATIONS


Vers les institutions – Comment faire avec les symptômes ?
Eric Zuliani, Section clinique de Nantes

Dès que vous accueillez un sujet en institution, vous vous engagez auprès de lui et vous voilà à 50% dans le problème qu’il rencontre. Vous faites à présent partie du problème, et en même temps vous devenez l’opérateur qui va lui permettre de sortir du problème, préférablement par le haut, c’est-à-dire par le symptôme et non par le bas, c’est-à-dire par différentes mises en acte : passage à l’acte, errance, usage massif de toxique, etc. Lire la suite

Comment entendre ce qui se répète, ce qui récidive, comment entendre les rechutes ?
Solenne Albert, Section clinique de Nantes

Comment entendre ce qui se répète chez un sujet, cette pulsion de mort ou cette jouissance mauvaise ? S. Albert analyse le déplacement du symptôme du versant du sens et déchiffrage au versant de la répétition, de la jouissance et du réel chez Freud et Lacan. Elle aborde ensuite comment dans la clinique permettre au sujet de s’extraire de cette répétition mortifère qu’il soit névrosé ou psychotique. Lire la suite

Comment faire avec la relation du sujet avec ses pensées ?
Fouzia Taouzari, Section clinique de Nantes

La structure clinique ne peut se discerner qu’à partir des dits du patient : c’est-à-dire à partir de son discours. De quoi se plaint-il ? Est-ce conscient ou inconscient ? Est-ce que cela fait énigme ou pas pour lui ? La structure d’une névrose est essentiellement une question. Le fantasme, les symptômes sont une réponse. Mais la réponse, elle, est inconsciente. Lire la suite

LIRE AVEC


Il s’agit de lire avec Lacan les expressions du discours contemporain.
Et de lire Lacan avec, comme points d’interrogation, ces déclinaisons.

SKBEAU


L’ironique Comédie du langage
Philippe Lacadée

La séance analytique est ce lieu, cet espace, ce temps inventé par Freud, nous ouvrant la voie par où le sujet peut faire entendre sa voix, permettant d’accueillir au plus près de son dire ce qui, en lui, fait la souffrance. Cette souffrance se noue au fait que tout sujet pense et a un corps. Lire la suite


ECHOS DES LIVRES


Duras avec Lacan « Ne restons pas ravis par le ravissement » ou comment composer avec l’énigme du féminin
Amandine Delaunay, Florence Douay, Françoise Morvan et Sébastien Dauguet

Quand Michèle Montrelay fait découvrir Le Ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras à Lacan, il affirme que le savoir déplié dans le roman joue des repères essentiels « concernant ce qu’on appelle le désir ». Lire la suite


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