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Publié le dimanche 2 décembre 2018

Université Populaire Jacques-Lacan

IRONIK ! – novembre 2018

Le bulletin Uforca numéro 32


Paul Cézanne, Carrière de Bibémus, 1898/1900 (détail)

Mondes virtuels

Il y a quelques jours, l’actualité a fourni l’occasion d’une curieuse mise en abîme de la réalité et de la fiction. Alors que les « gilets jaunes » manifestaient un peu partout en France, avec les conséquences bien réelles que l’on sait, des événements parallèles se produisaient sur une autre scène, celle de GTA (Grand Theft Auto), et plus précisément de sa version Online, mode de jeu très ouvert où, dans une ville fictive, les joueurs peuvent choisir des missions diverses (vol de voiture, courses poursuites, tir en vue, etc.). Un certain nombre de joueurs, qui avaient eu accès à un mod1 du jeu préparé pour l’occasion, ont soigneusement recréé des gendarmes français équipés de tout leur attirail, avant de revêtir leurs avatars des gilets fluorescents et de les faire manifester et barrer des autoroutes. Dans un autre jeu en ligne, The Crew 2, des joueurs avaient placé des gilets jaunes derrière le pare-brise de leurs voitures, taguées des mots « Macron démission2 ». Bien évidemment, tout ceci a fini en bain de sang virtuel, les forces de l’ordre s’en donnant à cœur joie sur des manifestants déchaînés. Les joueurs ont ensuite posté de nombreuses vidéos donnant à voir leurs réalisations sur les réseaux sociaux.

De cette forme très contemporaine de « manifestation », on peut dire qu’elle montre qu’il y a décidément quelque chose de modifié dans les rapports entre la fiction et la réalité, celle-ci se fictionnalisant toujours plus, et inversement. Cela crée en l’occurrence comme une résonance sarcastique de ce mouvement de masse, de ce « groupe en fusion3 ». Par ailleurs, on peut se demander quels sont les effets du passage par le jeu sur la jouissance à l’œuvre. Peut être permet-il à certains de loger une part de leur protestation sans qu’ils aient à mettre en jeu leur corps ; sans doute pour d’autres ne parvient-il pas vraiment à traiter la colère, voire participe-t-il à l’alimenter.

Quoiqu’il en soit, d’autres actualités beaucoup moins anecdotiques nous montrent qu’on ne peut plus faire l’impasse sur ce qu’il se joue en ligne. Et, dans cette tâche, la lecture de Lacan nous permet de dépasser la stérile dichotomie du virtuel et de la réalité pour tenter de cerner le réel à l’œuvre.

Alice Delarue

Note :
1 Un mod est un ajout ou une modification d’un jeu vidéo original.
2 Cf. Devillers S., « L’édito M », France Inter, 19 novembre 2018.
3 Cf. à ce sujet Lévy B.-H., « Qui sont, vraiment, les Gilets jaunes », Le Point, 21 novembre 2018

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Le billet du cartel



Jeu, nom masculin : activité d’ordre physique ou mental, non imposée, ne visant à aucune fin utilitaire, et à laquelle on s’adonne pour se divertir, en tirer un plaisir.
Le Larousse

Si le jeu ne vise à aucune fin utilitaire, la lecture de ce nouveau numéro d’Ironik ! vous en donnera une perspective toute autre. À le lire, vous pourrez de surcroît vous divertir, car ces travaux théoriques et cliniques détaillent d’une façon très vivante ce que, du point de vue psychanalytique, le jeu chez l’enfant peut receler. Car, il ne s’agit pas là d’une activité gratuite : l’analyse du jeu de la bobine nous le rappelle. Dans un au-delà du divertissement et du plaisir, le jeu a une fonction.

Et la lecture du texte de Guillaume Darchy invite à considérer le jeu comme « jeu-création ». Il nous en dévoile toute l’épaisseur à l’appui de plusieurs auteurs : le jeu est art avec Baudelaire, création poétique pour Freud mais aussi « analogon du fantasme1 » selon Jacques-Alain Miller.

Jouer à faire semblant, se faire auteur de fictions n’est pas donné à tous. Pour autant, dans la partie clinique de ce numéro, l’un des auteurs déplie comment il s’est attaché à inventer et proposer un atelier « faire semblant » à des enfants tout spécialement en difficulté avec cette dimension. Il nous déplie les rouages de cet atelier millimétré et nous en expose dans de courtes vignettes les effets thérapeutiques.

De l’enfant qui joue, qu’il soit artisan d’un ersatz de fantasme ou non, le clinicien a donc à se faire partenaire. Deux cliniciens nous en proposent chacun une démonstration. L’un laisse place au jeu d’une petite fille docile à la demande de l’Autre, en se faisant le témoin discret de ses fictions, attentif à ce qui s’y joue et à la solution qui s’y invente. Le second, quant à lui, nous retrace la rencontre et le travail avec un sujet autiste autour de jeux sur des sons et des voix enregistrés. Nous suivons ainsi le parcours de ce sujet vers une cession de la jouissance vocale.

Ce numéro nous amène également sur la voie des créations. François Bony nous invite à découvrir et redécouvrir les inventions et les trouvailles vitales de l’autiste Temple Grandin : de la trappe à bétail au penser en images en passant par la constitution d’un Autre de synthèse.

Katell Le Scouarnec

Note :
1 Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Du symptôme au fantasme et retour », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université de Paris VIII, cours du 24 novembre 1982, inédit.

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TRAVAUX D'UFORCA


A quoi jouons-nous ?
Guillaume Darchy, Section clinique de Lille

Sans doute ne voyons-nous plus les enfants jouer de la même façon depuis que le jeu de la bobine du petit Ernst fut rapporté et analysé par son grand-père Sigmund Freud. On ne peut désormais plus ignorer qu’il se livre, derrière la candeur des gestes et des fantaisies, un combat dans lequel, par un acte de culture, le sujet engage son corps, sa parole et ses objets face aux événements difficiles de l’existence. Entre la création et la répétition, l’enfant qui joue change le monde en même temps qu’il attend toujours le retour du même. Or à l’évidence, de cette trouvaille freudienne, le monde capitaliste a fait un cheval de Troie : la fiction du jeu est devenue une réalité standardisée… Lire la suite »

Faire semblant

J’ai tenu de très nombreuses années un atelier nommé « atelier semblant » avec des enfants psychotiques. Cet atelier a été créé par la rencontre de deux constats : pourquoi beaucoup de ces enfants ne jouent-ils pas, ne développent-ils pas de scénarios imaginaires, ou s’il y en a, ceux-ci sont-ils fixes et se répètent-ils, immuables ? Ou encore, lorsque ces enfants endossent un rôle, pourquoi semblent-ils ne pas faire semblant ?Lire la suite »

Tout n’est pas joué

Identifiées comme des problèmes de concentration et traitées spécifiquement sans succès auprès d’une psychologue en libéral, les difficultés d’Adèle prennent une dimension nouvelle lorsqu’elle déclare à sa mère : « j’en ai marre d’être cette fille-là ». Cette phrase précipite alors la prise de rendez-vous au CMP. Adèle est née par insémination artificielle avec les gamètes de ses deux parents. Son frère quant à lui est un « bébé couette » conçu sans intervention médicale… Lire la suite »

La musique, dans les marges

J’ai découvert pendant l’écriture de cette intervention cette citation de Lacan : « Il faudrait une fois – je ne sais pas si j’aurai jamais le temps – parler de la musique, dans les marges. » J’ai souri. C’était pour le coup mon souhait, parler de la musique dans les marges, bien conscient cependant que nous n’entendions pas ces mots de la même façon, et que nous n’en avions pas les mêmes choses à dire… Lire la suite »

Penser en images, pas sans la lettre
François Bony, Section clinique de Nice

« Comment penser en images quand on n’a pas d’image du corps, quand l’identification à l’image au miroir n’a pas eu lieu ? » est la première question qui m’est venue à l’esprit à propos de Temple Grandin. Ce livre, Penser en images, aurait pu s’appeler « Le Point de vue d’une vache » puisque c’était la première idée de Grandin, d’après Oliver Sacks... Lire la suite »


NOS LANCEURS D'ALERTE


ECHOS DES LIVRES
Comment s’orienter dans la clinique
Alice Delarue, Alexandre Stevens

La pratique analytique évolue : comment s’y orienter aujourd’hui ? C’est à cette question que répond avec variété et précision, le dernier livre d’UFORCA paru au Champ freudien éditeur, Comment s’orienter dans la clinique. Il y a le Un de l’orientation, vers le réel propre à l’expérience psychanalytique dont témoigne l’inconscient. Comme le souligne Jacques-Alain Miller dans un texte repris en début d’ouvrage, les sections cliniques s’attachent à mettre ce réel en évidence… Lire la suite »

SANS PRE-JUGER
« Une preuve irréfutable »
Jacqueline Dhéret

L’écrivain tchèque Karel Čapek, contemporain de Freud, dont une somme importante de nouvelles vient d’être traduite en français, nous enchante par son style ironique et incisif. (…) On rit, on s’amuse mais l’angoisse n’est jamais loin : les personnages de Čapek prennent à la lettre des bouts de savoir. Ils construisent des logiques mortifères y compris lorsqu’au nom de la découverte freudienne ils font de l’inconscient un lieu de dissimulation et de mensonge… Lire la suite »


LACAN SENS DESSUS DESSOUS


Myriam Chérel interviewe Jérôme Lecaux

Myriam Chérel interviewe Jérôme Lecaux, psychanalyste à Lyon, membre de l’ECF et de l’AMP, à propos d’une phrase de Lacan extraite du Séminaire Le Sinthome : « Ça sert à rien, mais ça serre »… Lire la suite »

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