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Publié le mercredi 17 octobre 2018

Le transfert au CPCT

Un texte de Fabien Grasser

Quelques rappels du fonctionnement du CPCT Paris

Le CPCT permet la rencontre avec un praticien de psychanalyse appliquée, à titre gratuit, pendant une durée limitée (seize séances maximum), soit de mettre en place des conditions qui rendent possible cette rencontre, et d’évaluer ses résultats. Notons qu’il n’est pas facile d’évaluer les résultats en des temps si brefs de travail. Quand une prise en charge au CPCT n’est pas indiquée ― ce qui peut arriver bien sûr ― une autre orientation est proposée au sujet.
Les intervenants du CPCT formaient deux équipes : l’équipe A dans laquelle, au début des CPCT, tous étaient a priori analystes de l’ECF ; et l’équipe B où de plus jeunes collègues étaient en formation analytique avancée ― et c’est toujours le cas actuellement. Tous ont en outre des formations universitaires, psychiatriques, médicales et psychologiques et pour certains, des responsabilités dans les champs social, sanitaire et universitaire.
Il y avait donc presque toujours deux temps de travail au CPCT : le temps des consultations avec l’équipe A, le temps des traitements avec l’équipe B.

Les entretiens dits de consultation
Après une demande le plus souvent téléphonique, sont proposées une à trois consultations d’admission avec un consultant de l’équipe A, afin d’établir si le dispositif proposé par le CPCT est adapté à la problématique mise en évidence par le demandeur. Dans un cas contraire, je le répète, une autre orientation peut être proposée.

Le traitement
La problématique du patient est déployée et travaillée alors en seize séances, après un minimum de transmission entre le membre de l’équipe A et le membre de l’équipe B qui fera le traitement. Le traitement est limité à seize séances, dans la majorité des cas, sauf renouvellement très exceptionnel, mais travaillé, pour le définir, dans ce qu’on a appelé « les cartels cliniques du CPCT ».

L’orientation après traitement
Si le bénéficiaire souhaite ensuite poursuivre le traitement, ou si cela semble indiqué, le CPCT peut proposer une orientation au cas par cas. C’est aussi à étudier en cartel clinique. Dans les années 2008, 2009, 2010 et 11, le plus-un du cartel était un Analyste de l’École, et les quatre autres étaient de l’équipe A comme de l’équipe B.
Ces trois temps sont toujours supervisés et étudiés, non seulement dans les cartels cliniques, mais aussi dans le cadre de réunions cliniques, moins fréquentes, avec l’ensemble de l’équipe, où des cas sont exposés, et lors d’un séminaire de recherche. Ce séminaire porte par exemple sur la question du traitement court ; par rapport à l’objet que vous envisagez, ce peut être la question des parents et du désir d’enfant. Au CPCT-Paris, au début, on ne savait pas où on allait, et progressivement se sont dessinées différentes spécificités – ce qui n’a pas été sans poser problème – comme la dépression, les adolescents, les tout-petits, les précaires etc. Et de cela sont issus non seulement le CPCT qui a poursuivi, mais aussi un centre pour adolescents – Paradoxes – et le CLAP qui est un lieu d’accueil des tout-petits âgés de cinq ans maximum.

Ce qui se passe au CPCT, je l’ai qualifié – à partir de textes de Jacques-Alain Miller – du terme « d’expérience ». Ce n’est pas une cure, ce n’est pas un traitement, c’est véritablement une expérience entre un sujet et sa rencontre au CPCT, donc avec celui qu’il rencontre au CPCT.

Les moments de l'expérience CPCT : trois temps logiques

- La consultation révèle les conditions d’accessibilité au traitement et, en quelque sorte, pré-évalue son utilité potentielle. C’est un instant de voir, et de rencontre si elle a lieu.
- La consultation oriente et ouvre le deuxième temps, celui de la conduite par l’analyste de l’expérience de quatre mois (c’est-à-dire seize séances) au cours de laquelle son utilité se mesure à ses effets thérapeutiques1.
- La sortie du dispositif ou « le moment de conclure », plus précisément un moment de résolution qui, au mieux, s’effectue lorsque le patient a pu être soulagé de la question qui le faisait souffrir.

Freud usait des entretiens préliminaires afin de décider de l’engagement dans une cure. Au CPCT, on n’engage pas de cure ; on engage une expérience ; on engage un mode de traitement « rapide ». Freud le déconseillait, tout autant qu’il déconseillait de recevoir des sujets psychotiques, ceux de la série que nous qualifions aujourd’hui de prépsychotiques, débranchés, désarrimés, normaux, et d’autres encore. En fait, 70 à 80% des sujets qui s’adressaient au CPCT étaient psychotiques.

Freud parlait d’entretiens préliminaires, nous parlons de consultations d’accueil : une à trois ou quatre séances, qui ont une fonction de filtre. Mais ce chiffre est très variable, il dépend de la célérité de saisie de la problématique par le membre de l’équipe A lorsqu’il rencontre le sujet. Ces séances permettent aussi d’estimer - cela arrive souvent - la dangerosité d’un cas, sa gravité ou le potentiel de passage à l’acte de certains. À chaque nouvelle rencontre, chacun des consultants sait qu’il engage sa responsabilité, mais aussi celle du CPCT, de l’institution comme celle de ses collègues.
En somme, la consultation est un temps où s’estiment les limites cliniques du CPCT, de son dispositif réduit à la rencontre avec un analyste et où se décode l’orientation à adapter au cas par cas.
Le CPCT, en effet, n’a pas pour mission de combler la faille, le trou dans le dispositif du maître. La demande était souvent faite par des sujets qui ne trouvaient pas de recours ailleurs, ou par les autorités administratives qui s’intéressaient au CPCT et qui pouvaient souhaiter que cela vienne compenser - surtout du fait de la gratuité – un bon nombre de problèmes rencontrés dans le système médico-social et médical.
À cet égard, le CPCT requiert une grande vigilance. Un analyste consultant du CPCT peut recevoir toute nouvelle demande à condition que l’impossible à supporter reste dans le cadre d’un simple dispositif de parole. C’est un principe fondamental. Si ça sort du dispositif de la parole, il y a d’autres orientations, il y a la psychiatrie ou le retour à la psychiatrie. En effet, on a rencontré pas mal de patients qui s’enthousiasmaient d’un lieu où il n’y avait que de la parole et pas de traitement médical, tentant ainsi d’éviter la psychiatrie. C’était un vrai travail que de pouvoir les réorienter vers le traitement qui leur était nécessaire.

Alors, si le temps de la consultation consiste, sans préjugé ni recette préalable, à jauger le rapport du sujet à la parole, le poids qu’il donne aux signifiants, le sérieux avec lequel il en fait usage qu’il soit psychotique ou pas, il s’agit aussi de tenter de cerner au plus près un symptôme, voire de nommer une jouissance. C’est le cœur du problème. Le but est de le transmettre ensuite à l’analyste de l’équipe B qui aura la charge du traitement.
Je disais que l’équipe B est composée d’analystes en formation, et la formation analytique ne se fait pas au CPCT, mais en cure, en contrôle, ce qui est essentiel. Les cartels cliniques du CPCT ne font pas fonction de contrôle. Ils font fonction de cadre et d’orientation dans le fonctionnement du CPCT.
À défaut de réussir à cerner symptôme et/ou jouissance du sujet, le travail peut se réduire à un simple recueil de données cliniques, un recueil d’énoncés qui, cependant, doivent permettre d’éclairer un tant soit peu la problématique du sujet.
Selon moi, dans l’après-coup de l’expérience de la consultation, l’expérience du traitement nous fait modestement rejoindre une indication de Jacques-Alain Miller lorsqu’il parle des effets possibles de l’expérience de la rencontre avec un analyste et qu’il décline ainsi : « Un desserrage d’identifications idéales ; un prélèvement dans les dits d’un sujet qui consolide une organisation viable là où le moi est faible ; l’articulation, la fluidification d’un sens bloqué, ce qui le dialectise ; l’arrêt, le capiton d’un sens qui ne peut cesser de couler au contraire2. » 

Un transfert à la langue

Au CPCT donc, les sujets viennent le plus souvent affectés d’une fragilité symbolique, avec ses conséquences sociales. En somme, ces sujets qui, pour leur grande majorité, ne demandent pas de cure psychanalytique, rencontrent là des praticiens qui doivent être ce que j’ai appelé des véritables « bricoleurs », des « repriseurs » de lâchage, de déchirures ou d’effilochage… de ce qui jusque-là pour eux était assez bien noué encore pour faire symptôme et lien social suffisant. Le savoir y faire du praticien rafistole ce qui, trop fragile, n’a pas pu tenir lors de rencontres désastreuses, si fréquentes, face aux exigences de la normalité contemporaine toujours plus surmoïque. C’est ainsi qu’au CPCT peut s’instaurer ce que j’appellerai un transfert à la langue avec ses possibilités de remaniement sans formatage ni annulation, soit un transfert à ses capacités primordiales de réarticulation à l’Autre, à l’usage du langage qui ouvre au sujet un chemin parfois plus court, plus satisfaisant que celui du versant dévastateur et mortifère de la norme.

C’est donc dans ce temps de rencontre que s’instaure ce transfert à la langue par le biais des praticiens qui sont là – donc des consultants et des traitants qui tentent de ne pas laisser se précipiter trop le transfert sur une personne. Ce n’est pas chose simple ; c’est très compliqué parce que le transfert sur une personne est inévitable et c’est même la condition pour que quelque chose se produise. En outre, il est difficile de passer d’une équipe A à une équipe B ; il faut pouvoir le justifier, et cela pose problème à pas mal de patients. De nombreux détails sont à penser, il faut prévenir un peu, il ne faut pas se mettre tout de suite en place d’être celui qui reçoit. Il s’agit de toujours cultiver un manque avec une insatisfaction en perspective, pour que le sujet puisse le supporter. Sinon, ce n’est pas possible. Je me souviens avoir eu des surprises quant à leur capacité de l’entendre, parce qu’il y avait la dimension de la gratuité. Et puis il y avait le phénomène CPCT-Paris, (et cela peut se produire ailleurs) : c’était la première fois qu’ils étaient reçus, étant donné leur niveau social, dans un si beau lieu à Paris. Le lieu, c’est ce qu’on en fait, c’est comment on l’habite, comment on parle dedans. Tout cela ça compte et ça produit en retour des effets de ce genre.

Donc, ce transfert est le produit direct du resserrage d’un point de singularité, d’un « trésor prélevé dans le bavardage3 », d’un savoir, bien que partiel, issu de l’inconscient, fût-il à ciel ouvert. C’est parfois la reconnaissance d’un point de réel désarrimé comme le phénomène élémentaire, l’hallucination isolée débranchant toujours plus le sujet de l’Autre.

Un lieu d'enjeu clinique – {Temps, gratuité, transfert}

Le CPCT est un lieu d’enjeu clinique. En effet, d’abord parce que le temps du traitement est limité. « L’instant de voir » en deux à trois séances ; « comprendre et conclure » en maximum seize séances, théoriquement. C’est à cette offre-là que de nombreux sujets ont répondu ; ils ont même indiqué souvent qu’un temps plus long les aurait fait reculer. Il y a toute la dimension, en particulier dans la psychose, de « ce que veut l’Autre ? » Si vous en faites trop, au mieux c’est inquiétant pour le sujet.
Le CPCT est un lieu où il n’y a aucun savoir en position de signifiant-maître. Il s’agit vraiment de se débarrasser du savoir, et surtout avec des sujets psychotiques, qui parfois néanmoins vous l’attribuent.
Rappelons qu’au CPCT, on ne forme pas de psychanalystes.
Dans le sigle CPCT, il y a bien le mot « psychanalyse », mais on n’y rigole pas (Sainte-Anne), on n’y enseigne pas (ENS) comme dans les lieux bien connus où Lacan définissait le rapport du lieu géographique à l’interprétation. Lacan indique dans L’Envers de la psychanalyse que les lieux pré-interprètent. J.-A. Miller, dans « Vers PIPOL 4 v », a proposé que le CPCT soit un tel lieu. Le transfert se fait donc au lieu. Et ce lieu pré-interprète la demande par la valeur qu’il donne à la langue. C’est la racine de son succès, au moins quantitatif, parce qu’il est vrai qu’on a reçu énormément de demandes.
Si l’on ajoute la gratuité, le CPCT est exactement un lieu qui prend la psychanalyse à l’envers. Cette offre, en effet, est diamétralement opposée aux principes de la cure psychanalytique. C’est sans doute ce qui a fait rire ou rendu suspicieux l’Autre social lorsque nous lui présentions le fonctionnement du CPCT. Il se demande toujours pourquoi des psychanalystes travaillent bénévolement, pourquoi des psychanalystes proposent un traitement court en seize séances ; ils se demandent ce que font ces psychanalystes du transfert ? Un tel renversement produit la défiance de l’Autre qui suspecte un lieu de recrutement de patients pour des psychanalystes.

Pourtant dans ce lieu, au CPCT, des psychanalystes de l’ECF tentent de pratiquer cette application de la psychanalyse, en s’appuyant sur le « Tout dernier enseignement de Lacan », dégagé par J.-A. Miller dans son cours. En effet, le CPCT est un lieu où la formation de l’analyste est l’apport principal pour éclairer la pratique qui y a été introduite. Dans le CPCT, des AE (analyste de l’Ecole) et des AME (analyste membre de l’Ecole) aidaient justement à cibler le réel de la clinique. Le CPCT met à l’épreuve un usage purement psychanalytique du temps, du temps logique, et ce type d’offre détermine la population qui s’adresse à nous par le bouche à oreille, psychose ordinaire en majorité. Le CPCT est un lieu de réponse où les patients viennent à la rencontre d’un partenaire qui permet au sujet de renouer avec le lien social. C’est l’enjeu principal du CPCT. À celui qui a pu devenir Analyste à l’École, tout autant qu’à l’analysant praticien, de s’y rompre et d’oublier un peu son statut.

Qu'est-ce que nous attendons de notre pratique au CPCT ?

Je vais aborder maintenant la question de la clinique que l’on rencontre dans le cadre de la dite « psychanalyse appliquée », tout particulièrement dans sa forme contemporaine de réponse au surmoi, dans le cadre du CPCT.
Qu’est-ce que nous attendons de notre pratique au CPCT, de cette pratique freinée, réduite dans bon nombre de ses paramètres au regard de celle de l’analyse ?
Si, comme je le disais, le CPCT est un lieu qui prend exactement la psychanalyse à l’envers, dont l’offre de brièveté, de gratuité, de bénévolat est diamétralement opposée aux principes de la cure, alors comment une telle pratique est-elle possible dans notre champ ?
La clinique dont il est question est surtout une clinique des psychoses ordinaires, celle – il faut bien le dire - que l’on rencontre le plus souvent au CPCT (en tout cas jusqu’à 2012 quand j’y travaillais), et peut-être que les parents que vous rencontrerez feront partie de ce même champ. C’est à partir de cette clinique que nous attendons, dans ces conditions, des effets thérapeutiques de notre pratique. Il s’agit bien souvent de sujets dans de véritables situations d’impasse, toujours plus désarrimés, de sujets qui ne sont pas de ceux qui s’adressent facilement à un psy, à un service d’aide, encore moins à un analyste. Et il semble que les exigences du monde contemporain, ses protocoles, son uniformisation, sa perspective de normalité terrorisante, soient des facteurs aggravants pour ces sujets. Ce monde, en effet, permet de moins en moins de solutions singulières, originales, de rebranchement, de solutions « atypiques » issues des sujets eux-mêmes, solutions qu’ils parvenaient auparavant à inventer pour trouver un lien à l’Autre, c’est-à-dire pour trouver un lien social.
C’est cette capacité, cet appel à retrouver un lien social, à retrouver un lien à l’Autre, qu’il s’agit d’estimer lors de l’accueil d’un sujet en consultation au CPCT. Ces conditions restreintes, vous le savez déjà, élargissent le champ de ce qu’on appelait auparavant les « indications au traitement psychanalytique ». Comme l’indique J.-A. Miller5 elles ouvrent en effet à « l’expérience » souhaitée, essayée, sinon désirée par un sujet, plutôt qu’à un traitement indiqué par un savoir.
L’expérience, en effet, peut être risquée par le sujet lui-même, et dès lors la demande prend le pas sur l’indication. Évidemment, on le sait, la demande se soutient toujours plus dans le monde actuel d’une dimension de « droit », de droit à l’objet, le plus souvent de consommation. La psychanalyse elle-même devient objet de droit et le psychanalyste toujours plus instrumentalisé par le droit au sens, comme l’évoque J.-A. Miller.
Il faut donc inventer au CPCT un objet très précis, qui permette la rencontre avec le discours analytique, sinon avec un analyste, qui là, redevient praticien. Cet objet, il faut bien entendu qu’il soit sorti de son cadre antérieur classique, qu’il soit disponible rapidement, qu’il ne résiste pas à ces demandes et à ces « conduites d’expériences qui ne sont pas des traitements psychanalytiques », mais qui « pourtant font soutien en faisant nouage de par elles-mêmes6 ». J.-A. Miller ajoute dans le même article que cet objet, « c’est l’analyste du marché, versatile, disponible, multifonctionnel, qui doit se réduire à l’objet, ne pas vouloir le bien ». Sa formation vise à lui permettre de cultiver sa docilité jusqu’à « savoir prendre, dans le sujet tout venant, la place d’où il peut agir », et à l’occasion « il incarne un objet autour duquel s’enroulent les dits du sujet » ; tout cela n’est pas sans faire référence à l’objet a – objet dont il ne saura peut-être rien de plus que de pouvoir l’entourer de certains signifiants.
Cela offre un espace temporaire de dire possible, c’est-à-dire « d’être sujet, soit de manquer à être », ce qui par ailleurs identifie le sujet. Ça offre aussi « un lieu de recueil de la contingence où la nécessité se desserre, soit un site du possible », précisément pour l’usage de la parole dans sa singularité.
J.-A. Miller nous dit aussi que c’est « une rencontre sans prix et jamais sans effet, même dans des cas de psychanalyse impossible ». De là est issu un souci majeur au CPCT, prioritaire : il s’agit de cerner au plus vite et au plus près un symptôme, une part de sa jouissance, son point de dissension avec le réel, et d’orienter ainsi dès la hâte de l’accueil, cette brève série de rencontres.

Voyons maintenant ce qu’il en est du nombre de séances – parce que cette question s’est posée souvent, et des praticiens souhaitaient parfois des séances supplémentaires « pour finir le travail ». L’expérience a montré qu’augmenter le nombre de séances ne changeait rien à l’efficacité visée. Cette prolongation semblait plutôt renforcer le transfert à la personne, difficile à gérer, bien qu’il fût parfois une issue incontournable. Quelques cas, en effet, ont été orientés vers une cure analytique. Au CPCT, on doit pouvoir s’ouvrir à ça.
En outre, petit à petit, la perspective du point à traiter, dans les meilleurs cas, s’est révélée inscrite dès la consultation, et souvent confirmée lors du traitement. Mais il existe de nombreuses surprises qui font valoir un écart entre la consultation et le traitement. Soit parce que le consultant n’a pas entendu – ça arrive, ce n’est pas parce qu’il est de l’équipe A qu’il entend tout - soit parce que celui de l’équipe B a entendu quelque chose qui a marché. Il est surtout très intéressant de pouvoir en parler ensuite dans le cartel clinique.
Le problème de la fin du traitement, soit du moment de fin, n’est pas moindre. Il s’agit de déterminer s’il y a un authentique apaisement, un vrai soulagement, une satisfaction qui autorise une fin. Mais parfois, ça ne peut pas s’observer, parce que curieusement, ça surgit après. Et dans ces cas, on est privé de le savoir.

Les points de difficulté clinique

Comment tenter de cerner les points de difficulté clinique ?
La question du transfert, je vous l’ai dit, a été abordée depuis le début, mais elle nécessite d’y avancer encore. Il faut vraiment la travailler au cas par cas, surtout dans cette pratique du temps limité et du passage consultation-traitement, qui est sans doute ce qu’il y a de plus délicat.
Le transfert, pour reprendre Miller dans son cours du 15 novembre 2006, est constitué par son signifiant-maître S1 dans son lien à un signifiant S2 quelconque. C’est ce qui conditionne l’opération analytique, ce lien produit le sujet, le fameux sujet supposé savoir. Cet embrayage d’un signifiant à l’autre, pourtant commun à toute production de sens, produit cet effet de sens – cette fois spécial – le Sujet Supposé Savoir, qui mobilise des signifiants de l’inconscient, une manifestation symptomatique de l’inconscient, une formation de l’inconscient. Le désir de l’analyste, l’attention qu’il porte au sujet, à ses signifiants mobilisés, conditionne l’association et la mobilisation de l’inconscient transférentiel.
Que peut-on faire au CPCT ? Seize séances ne suffisent pas, d’autant plus qu’elles sont préparées par celles des consultations. Les consultations sont un instant d’attention qui, comme le soulignait particulièrement Serge Cottet, peuvent extraire, « focaliser » un point qui fasse lien social ou suppléance, ramener à une satisfaction suffisante.
Il s’agit évidemment de conserver la plus grande prudence. C’est ce que le travail de formation au CPCT, mais pas de l’analyste, tente de réaliser. On ne peut engager un sujet sur une telle voie sans risque de décompensation ou de laisser tomber. Peut-on réduire cette prudence à une simple résistance du praticien, comme le dit encore S. Cottet - en tout cas, il se posait la question –, à une résistance programmée, formatée spécialement pour la pratique du CPCT ? Probablement non, mais c’est une question à traiter.
Je dirais que nous limitons en effet notre « attention » à un point symptomatique du sujet, à condition qu’il ait été mobilisé. Il doit s’agir d’un point de singularité, fut-elle incomplète. Ce peut être en effet l’accès pour le sujet à une ouverture qui engage à un travail plus pur. Dans ce cas, il faut le prendre en compte sans le réduire, mais ce n’est pas au CPCT que cela peut se poursuivre.
J.-A. Miller, dans un de ses derniers cours, a opposé l’explicitation du désir par les « opérateurs inspirés » du CPCT à la psychothérapie autoritaire à l’œuvre. Il allait jusqu’à parler d’esquisse de l’acte, mais bien sûr pas de l’acte qui tente d’obtenir le plus singulier de notre être. On ne peut pas demander cela au CPCT. Et si l’analyste lorsqu’il exerce ne doit pas oublier l’acte dont il est issu, au CPCT je dirais qu’on ne doit pas oublier qu’on ne peut pas entraîner le sujet qui s’y présente dans les conséquences de cet acte, puisqu’il est réduit à son esquisse.
Voilà pour les considérations que je voulais vous apporter sur le transfert au CPCT.

Fabien Grasser

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