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Publié le dimanche 1er octobre 2017

Le Prélude de la déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Prélude d’octobre

Octobre 2017

L’évènement de la rentrée, ce sont bien sûr les J47 de l’ECF « Apprendre : désir ou dressage » et leur préparation, en particulier, pour nous, dans l’ACF-Normandie. Les J47 se préparent sur leur blog Malappris qui propose de nombreux petits textes vifs, de multiples références freudiennes et lacaniennes. Comme le soulignent dans leur argument Fabian Fajnwaks et Virginie Leblanc, directeurs des Journées, « bousculées par la remise en cause des valeurs traditionnelles et déboussolées par la chute des idéaux et repères censés tracer le sillon de vies raisonnablement orientées, nos sociétés répondent au désarroi du siècle par une explosion du tout éducatif et l’injonction quotidienne d’un véritable pousse-à-apprendre dans chacun des domaines de nos vies1. » Mais que vaut pour chacun la foison de « guides », « protocoles » et autres « tutoriels », « ce savoir, amputé des signifiants primordiaux, de figures tutélaires ou de l’expérience qui lui donnent sa légitimité1 », qui a un prix sur le marché mais qui ne « coûte » rien à celui qui est supposé l’assimiler ou développer ses « compétences cognitives » en s’y adaptant ? En effet « là où les sujets humains font institution, en couple, à l’école, en famille et au-delà, loin de toute maîtrise, de projet, de recommandation des bonnes pratiques comme des bonnes conduites », ajoutent F. Fajnwaks et Virginie Leblanc, « c’est bien le malentendu, le ratage, la résistance, quand ce n’est pas l’opposition violente qui se font entendre entre les murs de nos classes, de nos hôpitaux, partout où se vérifie l’impossible, de structure, qui consiste à transmettre, élever, éduquer, soigner et surtout aimer3. »

Qu’est-ce qu’apprendre ? Qu’apprend-t-on du point de vue de la psychanalyse, à l’envers de la pédagogie, avec pour point de départ et de perspective, le « ratage », le « malentendu », l’impossible – autres noms du réel ? Pour la psychanalyse, le savoir-chaîne de signifiants se situe dans un lieu, celui de l’Autre : bien sûr il peut y rester, « c’est-à-dire demeurer comme un volcan, inactif, mort ou endormi4 » comme le note plaisamment Philippe Hellebois (éditorial Malappris « Le prix du savoir » 27 juin 2017), mais celui qui nous intéresse résulte de la « rencontre du vivant avec le savoir », autre nom du sujet qui « en tant que tel n’apprend pas mais serait plutôt appris ». Et « cette expérience, bon heurt ou mal heurt, a un prix, que nous décorons du doux terme d’apprentissage5 » . Ainsi que le souligne l’auteur, Lacan a progressivement assimilé le savoir à la jouissance pour en faire finalement son moyen. Au fond le savoir qui vaut pour un sujet est de son côté (et non du côté de l’Autre) mais le sujet en est séparé (selon la topologie propre à l’objet), il va devoir en inventer un usage qui n’est pas déjà-là, programmé ; ce savoir-objet n’est pas tant un message qu’une « substance » jouissante, une sorte d’organe – sa valeur relève donc de l’usage (et non de l’échange) : le savoir est « à prendre bien plus qu’à apprendre6 ». Pour la psychanalyse, le savoir est une dimension « qui va par sauts et par bonds » selon les termes de Lacan - le contraire de « quelque chose qui progresse par adaptation, par approximation, par perfectionnement7 ». Le nouveau en psychanalyse surgit, sur le bord d’une faille entre « plaques tectoniques », entre l’éclair de l’instant de voir et l’invention d’un usage inédit ; il surgit dans la discontinuité, la disjonction de dimensions qui étaient jusqu’alors conjointes, « l’immixtion8 » d’éléments hétérogènes dans les dimensions Réel, Symbolique et Imaginaire, « l’effet de trou9 », la « nomination » etc. – ce que Lacan appelait à la fin de son enseignement « un signifiant nouveau10 » , un nouvel usage du signifiant.

Ce savoir-mode de jouir révélé par la psychanalyse est toujours branché sur le corps libidinal, le circuit pulsionnel, il en a la « couleur de vide » ; il éclaire bien des manifestations symptomatiques où se traduisent les impasses du désir de savoir, et son mode de production peut servir de boussole à tous ceux qui se préoccupent de « l’apprentissage ». Comme l’écrit P. Hellebois, « l’apprentissage qui nous importe est celui d’un savoir sur la vie, la nôtre et celle de quelques autres, plus précisément sur la façon d’en jouir puisque l’une ne va pas sans l’autre. Ce savoir-là s’apprend partout où l’on vit, même à l’école et dans les livres, n’en déplaise aux obscurantistes. Ce qui le rend si précieux n’est pas tant son lieu, qui est partout et nulle part, que son mode d’acquisition. Celui-ci ne se prévoit ni ne s’organise, il ne résulte pas d’un travail, d’un programme ou d’un projet, mais du hasard, de l’occasion, voire du kairos lorsqu’un vivant improbable a touché en nous, le plus souvent sans s’en douter, une corde aussi sensible qu’endormie. Cela peut faire trauma, coup de foudre, ou mieux encore interprétation11. »

Pour préparer ces J47 en Normandie, nous vous invitons à un Après-Midi de travail consacré aux « Impasses du désir de savoir » le samedi 7 octobre à Rouen, de 14h30 à 17h30. Nous y poserons la question très contemporaine : « comment travailler avec les enfants qui n’apprennent pas ? » Vous en trouverez l’argument dans ce numéro de POL. Comme il y est dit, une enseignante spécialisée, une psychologue scolaire, une psychologue en IME, une psychologue en Hôpital de Jour et une enseignante en classe ordinaire témoigneront des chemins empruntés et particularisés pour accompagner l’enfant sur la voie du savoir.

Que tout ceci vous donne envie d’en savoir un peu plus et de vous inscrire aux J47 !

Marie-Hélène Doguet-Dziomba,
Déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Notes :
1 V. Leblanc, F. Fajnwaks, « Apprendre : désir ou dressage », Malappris.
2 Ibid.
3 Ibid.
4 P. Hellebois, « Le prix du savoir », Malappris.
5 Ibid.
6 Ibid.
7 J. Lacan, Le Séminaire, Livre II, Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse, Seuil, 1978, p. 108.
8 Ibid.
9 Cf. J.-A. Miller, La Cause du désir 91, « En-deçà de l’inconscient », pp. 118-126
10 Ibid., p. 116.
11 P. Hellebois, « Par sauts et par bonds », Malappris.

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