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Publié le dimanche 2 avril 2017

Le Prélude de la déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Prélude d’avril

Avril 20017









Mars a vu fleurir un Appel d’un genre inédit, celui de psychanalystes appelant à voter contre Marine Le Pen et le parti de la haine lors de l’élection présidentielle. On pourrait s’étonner que des psychanalystes sortent ainsi de leur réserve et prennent position dans le champ du débat politique. La psychanalyse n’appartient à personne, et le psychanalyste ne sert qu’un discours – le discours analytique. Cependant le discours analytique est fragile, et ses conséquences ne peuvent valoir qu’à certaines conditions : la démocratie politique et sociale en fait partie. Or nous traversons une période dangereuse de crise généralisée, propice aux aventures les plus risquées, lourde d’incertitudes, sur fond de décomposition des principaux partis qui ont partagé le pouvoir – dans un tel contexte nul ne peut exclure une victoire électorale du FN. Pour la psychanalyse, la crise témoigne d’un réel qui « prend le mors aux dents » et sur lequel le signifiant reste sans prises. C’est pourquoi il nous faut interpréter, à partir du discours analytique, la « saloperie » que le Front National de Marine Le Pen mettrait au principe du pouvoir s’il y accédait et qui représente une grave menace pour la démocratie.

La vérité de cette « saloperie » est la haine – haine de l’autre, haine de l’étranger, haine de l’étrange et du hors-les-normes, haine de soi. Depuis 35 ans, les différentes directions des partis politiques au pouvoir, jusqu’au plus haut niveau de l’Etat, ont joué les apprentis sorciers, assignant le discours de la haine du FN à la place ambiguë de repoussoir et de point de fascination du discours politique, l’utilisant en sous-main comme moyen de pression. Ce qui frappe actuellement est la banalisation de ce discours, qui est recouvert par le voile du ridicule et de la bêtise1, en même temps que sa « thématique » a profondément pénétré le discours politique lui-même. La banalisation est elle-même « banalisée » par le signifiant « dédiabolisation » dont est épinglée dans le discours courant la stratégie marketing du FN de Marine Le Pen. C’est de la responsabilité des psychanalystes d’indexer la « saloperie » en jeu, de ne pas fermer les yeux ni détourner le regard, et de tirer les conséquences pratiques de leur interprétation. Quels que soient les nouveaux oripeaux dont Marine Le Pen enveloppe les signifiants qu’elle détourne, quelle que soit la façon dont elle trafique leurs signifiés, la langue du FN reste infiltrée par le discours de la haine qui corrompt toute parole, la transformant en éructation.

La « saloperie » dont le discours de la haine tire sa consistance, les psychanalystes la connaissent bien, elle a le nom que lui a donné Lacan – la jouissance inconsciente, mixte de libido et de pulsion de mort, qui habite l’être parlant du fait précisément qu’il parle et que le langage a émergé pour lui. Elle est un effet majeur du langage sur le corps, elle s’en trouve pour toujours dysharmonique et perturbée. C’est elle qui se condense dans le fantasme, c’est elle que l’on retrouve dans les circuits du symptôme, c’est elle qui se cache dans la vie amoureuse, c’est encore elle dont l’angoisse fait signe, c’est toujours elle qui est à la manœuvre dans le passage à l’acte. Une psychanalyse peut permettre à un sujet de la cerner et de faire avec autrement, dès lors qu’il consent à la prendre à son compte, à s’en faire responsable.
Le discours de Marine Le Pen, même « banalisé » reste marqué au sceau du fantasme – la jouissance rejetée se condense dans la figure de « l’immigré », du « musulman », de « l’arabe islamiste », à présent du « migrant », liste qui peut s’étendre à l’infini. Ces figures toujours anonymes sont présentées comme des hordes menaçantes, intrusives, abusives, ravisseuses de biens, d’« identité » et de plus-de-jouir etc., dont il faudrait éradiquer la jouissance et se protéger par des « murs » – là est le point visé par la haine raciste et le principe des ségrégations croissantes dont les camps de concentration et d’extermination nazis ont été les précurseurs.
Pour sa part, l’ACF Normandie soutient l’Appel et vous invite à le signer, à le faire connaître, et à aller voter contre Marine Le Pen aux présidentielles. L’ACF Normandie organisera prochainement une initiative qui s’inscrira dans la série des Forums SCALP (Série de Conversations Anti Le Pen) qui se multiplient en France à l’initiative de l’ECF. Nous vous tiendrons informés, restez branchés sur notre site et notre page Facebook !

Marie-Hélène Doguet-Dziomba,
Déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Notes :
1 Voir à ce propos le bel article de Marcus Andre Vieira, psychanalyste à Rio, AE de l’Ecole Une, sur le blog de Pipol8.

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