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Publié le jeudi 2 mars 2017

Université Populaire Jacques-Lacan

IRONIK ! – février 2017

Le bulletin Uforca numéro 22


Takashi Murakami, 727-727, 2006.





Enfants d'ironie



Les semblants de l’enfance comme temps et espace qui offre accueil et protection à l’enfant sont désormais bousculés par l’alliance des exigences marchandes du champ social et des exigences du contrat dans l’espace familial. L’enfant y apparaît par excellence comme « le sujet à éduquer1 », à dompter, à apprivoiser, à gérer, à maîtriser selon des normes établies, comme un corps à réguler dans ses diverses fonctions, méthode douce ou méthode dure.

L’heure est au coaching parental et l’avenir aux coachs pour enfants.

Face à cela, l’Institut psychanalytique de l’Enfant, à l’occasion de ses Journées d’études biennales et sous l’impulsion de Jacques-Alain Miller, recueille les témoignages de la présence d’une contre-attaque des enfants eux-mêmes, qui constitue pour nous les prémices d’une « clinique ironique2 » de l’enfant.

Cette clinique s’enseigne à la fois du petit Hans et de Alice au pays des merveilles, restituant avec Hans et le symptôme phobique la dimension d’énigme du désir, et donnant privilège, avec Alice, au non-sens comme trace de la jouissance dans la langue.

Cristallisation signifiante du symptôme et diffraction de la jouissance envahissante grâce aux ressources de la langue et de la lettre sont les deux opérations dont use le psychanalyste pour donner sa place au savoir « authentique » de l’enfant, qui conteste le caractère « fallacieux » des autres savoirs qui prétendent avoir barre sur lui3. Comment ? En faisant apparaître le reste inéducable au cœur du sujet, sa part de solitude, désigné par Freud comme « le sexuel », et que Lacan, à la fin de son enseignement désignera comme « bévue ». Les enfants d’Ironie sont ceux qui témoignent, à l’occasion de leur rencontre avec une ou un qui écoute ce qui se dit et qui le dit, que le seul trait commun pour ceux qui parlent est d’être marqué du trait de « l’une-bévue4 ». Une-bévue contre la norme ? Oui, c’est possible.

Le 18 mars, au Palais des Congrès d’Issy-les-Moulineaux, lors de la 4e Journée d’étude de l’Institut de l’Enfant, se feront entendre les bévues d’Après l’enfance, qui forment le socle des multiples facettes d’une adolescence ironique…

Daniel Roy

Notes :
1 Miller J.-A., « L’enfant et le savoir », Peurs d’enfants, Navarin éditeur, Paris, 2011, p. 14.
2 Miller J.-A., « Clinique ironique », La Cause freudienne, no 23, Février 1993, p.7-13.
3 Cf. Miller J.-A., « L’enfant et le savoir », op. cit.
4 Lacan J., Le Séminaire, livre XXIV, « L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre », leçon du 10 mai 1977, Ornicar ?, n°17-18, printemps 1970, p. 18.

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Le billet du cartel

Chers lecteurs, vous allez découvrir, dans ce très beau numéro clinique d’Ironik ! combien, dans ces quatre cas cliniques, le transfert a été précieux et « efficace » au sens où Lacan le décrit, dans son premier Séminaire : « Dans son essence, le transfert efficace dont il s’agit, c’est tout simplement l’acte de la parole. Chaque fois qu’un homme parle à un autre d’une façon authentique et pleine, il y a, au sens propre, transfert, transfert symbolique – il se passe quelque chose qui change la nature des deux êtres en présence1. » Il faut donc une rencontre, rencontre qui mette en jeu le ressort symbolique du transfert. Cela implique de mettre en jeu son propre désir. C’est ce que n’ont pas hésité à faire ces quatre cliniciens.

Dans ces quatre textes, Léa, Mattéo, Sana et Cécile ont douze, quatorze ans ; ils sont au sortir de l’enfance. Ce qui m’a frappée, en les lisant, c’est la manière stigmatisante et rejetante dont ils sont parlés par l’Autre : Léa souffre de troubles du caractère, elle est « menteuse et insolente », Mattéo rentre dans la catégorie de tous les « dys » : dyspraxie, dysgraphie…, Sana est classée « enfant difficile, agitée, qui ne respecte rien, un peu « débile », ignorante ; et Cécile est rejetée parce que trop « collante ». Or, ce qui se découvre, dans chaque cas, grâce à la subtilité, à la patience et au désir attentif de ces quatre cliniciens, est vraiment tout autre chose. Le point commun de ces quatre cas, c’est qu’il s’agit, à chaque fois, de réussir à se faire une place dans le langage. Chacun d’entre eux parvient à nommer le véritable problème qui l’agite, et qui se situe, comme pour tout un chacun, dans le difficile rapport du sujet à la langue elle-même.

Léa a affaire à une langue désordonnée, « son langage se défait au fur et à mesure du déroulement de la chaîne signifiante », elle est dans une grande précarité symbolique. Elle vit certains énoncés comme des injures auxquelles elle se trouve dans l’impossibilité de répondre, elle frôle sans cesse le passage à l’acte. Grâce à l’analyse, qui se déroule sous le mode de la conversation, Léa parvient à organiser son discours, ce qui a pour effet de limiter sa jouissance envahissante. Mattéo, dont le désir de parler était écrasé sous le poids des injonctions et recommandations éducatives, parvient, grâce à l’analyse, à nommer sa véritable difficulté : « Mon problème aussi, c’est que des fois j’articule pas, je ne réfléchis pas à ma phrase. » C’est sa « mauvaise habitude ». Ses symptômes étaient d’autant plus bruyants qu’ils étaient réduits à un comportement qui dérange. Dès lors que, en séance, la parole lui est donnée, il se l’approprie pour nommer ce qu’il aime, ce qu’il n’aime pas. Il prend sa place dans la parole et articule une question qui le préoccupe vraiment : comment entrer en contact avec les filles ?... Sana est une jeune fille indienne, elle passe ses journées à déambuler dans l’orphelinat où elle est considérée comme une petite fille « méchante ». C’est grâce à la rencontre d’un désir qui prend le contre-pied du discours institutionnel et voit en Sana une petite fille qui sait beaucoup de choses, que Sana peut consentir à s’ouvrir à la parole et à entrer dans le langage. Elle se met à parler, à s’intéresser aux choses qui l’entourent, à se passionner pour ce qui est beau et pour l’écriture.

Cécile a affaire à des énoncés qui tournent en boucle dans sa tête, elle répète sur un ton interrogatif des énoncés hors sens qui ne la concernent pas. Il faut la présence du clinicien pour lire dans ces phrases ritournelles la question cachée de Cécile, à savoir : « Où est ma place dans ces énoncés ? » Avec les séances, la fuite du sens s’arrête et elle commence à trier, classer, ordonner les signifiants, en établissant un lien avec eux ‒ « j’aime / j’aime pas » ‒ jusqu’à réussir à se nommer, donc, à prendre sa place dans le langage.

Dans chacun de ces cas, nous assistons à une naissance, celle de l’émergence du sujet à la parole, effet de la rencontre avec un désir décidé. Ne manquez pas de lire ces quatre très beaux et enseignants cas cliniques !

Solenne Albert

Note :
1 Lacan J., Le Séminaire, livre I, Les écrits techniques de Freud, (1954), texte établi par J.-A. Miller, coll. Champ Freudien, Paris, Seuil, 1975, p. 127. .

Chers lecteurs,
Le dimanche 8 novembre 2009, Jacques-Alain Miller créait l’Université Populaire de Psychanalyse Jacques Lacan, dans les suites des 38e Journées de l’École de la Cause freudienne. Très vite après, Christiane Alberti en inaugurait le bulletin électronique. Elle m’en confiait plus tard la responsabilité, confirmée par la confiance du conseil d’administration d’Uforca. Le premier numéro d’Ironik ! est arrivé dans vos boîtes mail en septembre 2014. Vingt-deux numéros plus tard, il est temps pour moi aussi de transmettre le flambeau. C’est désormais Alice Delarue qui en sera la rédactrice. Sa réponse, immédiatement décidée et joyeuse est une indication : elle saura mettre sa patte, sa fantaisie, son désir au service d’Ironik !. Que les trous dans le savoir qu’elle rencontre, en lien avec les questions au travail dans l’UPPJL l’oriente dans son travail de rédactrice est tout le mal que je souhaite à ses lecteurs, dont je serai dorénavant la première représentante !
Merci à toute l’équipe de correspondants d’avoir joué le jeu. Merci à Michèle Harroch, à Marie-Catherine Mériadec et à l’équipe d’édition pour son travail efficace, souvent dans l’urgence, mais toujours vigilante à ne rien lâcher du sérieux à transmettre. Merci à nos lanceurs d’alerte. Merci à Myriam Chérel pour ses entretiens, au plus vif de la transmission de la psychanalyse. De belles rencontres…

Ironikement vôtre,
Marie Laurent

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