Accueil > ACF-NORMANDIE > Prélude de novembre

Recherche

Par activités


Publié le mardi 1er novembre 2016

Le Prélude de la déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Prélude de novembre

Novembre 2016

Pour l’ACF Normandie, Novembre sera placé sous le double signe de la musique et du corps. Pas n’importe quelle musique, pas n’importe quel corps. La musique dans son lien problématique à la psychanalyse, que l’excellent numéro numérique de La Cause du Désir « Ouï ! En avant derrière la musique » situe d’un « non rapport », concept familier pour ceux qui fréquentent l’enseignement de Lacan. Le corps, celui de la pulsion et de la jouissance, qui excède toujours le langage tout en y étant pris, en-deçà de la « belle forme », du stade du miroir et de la captation par l’image de l’autre.

Nous vous convions à une soirée exceptionnelle Psychanalyse et Musique « Autour d’Arnold Schoenberg, John Cage et Erik Satie », mardi 29 novembre à Rouen. Nous voulions suivre les brisées de ce numéro de La Cause du désir et « sortir du je n’en veux rien savoir, expression dont Lacan se sert pour définir le symptôme, qui caractérise le lien que la psychanalyse entretient avec la musique. Sur la musique, la psychanalyse reste muette1. » Nous voulions aussi dédier cette soirée à la mémoire des meurtris des attentats de Paris, voilà un an. Comme le note Marie-Hélène Brousse dans son éditorial : « La musique est un des modes de jouir universels des êtres parlants. Pas de société humaine sans musique, sans cet artifice imposé au son, et sans cette discipline de l’oreille. C’est dire donc qu’il y a un discours sur la musique. Récemment, des évènements sanglants sont venus rappeler que d’autres discours, se réclamant du religieux, peuvent voir dans ce mode de jouir une menace pour celui dont ils tentent d’assurer la promotion mortelle. En vain ! Toute l’histoire des hommes, toutes les observations anthropologiques le démontrent : on ne peut pas tuer le goût de la musique. Il tient à la structure de langage, il est conséquence de la parole2. »

François Regnault propose trois rapports impossibles – c’est-à-dire réels – de la psychanalyse à la musique3.
1- Si l’inconscient est structuré comme un langage, le langage musical, lui, n’est pas défini comme le langage saussurien (le dualisme signifiant/signifié n’y opère pas). François Regnault privilégie « l’espace mathématique de la musique où s’éprouve concrètement le plaisir de nombres que l’on ne peut nombrer, de calculs que l’on ne peut effectuer (…) tout cela sans le savoir. Il y a bien des lois mais elles nous sont inconnues4. »
2- Certes la musique participe du domaine de la voix, mais l’objet voix de Lacan n’est pas « la voix humaine » : J.-A. Miller souligne que la voix comme objet a est « aphonique », elle ne s’entend pas, elle n’est pas liée essentiellement à la substance sonore, au contraire elle est faite d’un vidage de la substance sonore – la fonction de la voix est liée essentiellement à la chaine signifiante comme telle5. Il dit ceci : « La voix, on ne s’en sert pas : elle habite dans le langage, elle le hante. Il suffit de dire pour qu’émerge, surgisse la menace que vienne au jour ce qui ne peut se dire. Si nous parlons autant, si nous bavardons, si nous chantons et si nous écoutons les chanteurs, si nous faisons de la musique et si nous en écoutons, la thèse de Lacan comporte que c’est pour faire taire ce qui mérite de s’appeler la voix comme objet a6. » Plutôt que d’attraper la musique à partir de l’objet voix, François Regnault y trouve quelque chose qui « rend audible le discours de l’Autre », « sauf qu’en musique on n’a affaire à aucun sens explicite » ; on aurait ainsi accès à « un discours latent devenu manifeste tout en restant incompréhensible » !
3- Le champ des affects en psychanalyse ne correspond pas mieux aux effets de la musique qui, elle, traite de deux passions – la joie et la tristesse ; ce sont des affects « analogiques » et « esthétiques ». Au fond la musique proposerait « du déchiffrage7 » - il s’y agit « de ce qui se trame, se noue dans la composition même » : il faudrait rajouter au « nœud musical » un quatrième rond qui serait « l’intégration de l’auditeur dans le processus. »
Mais il faut faire une place à part à la musique contemporaine, à la résistance voire au rejet qu’elle suscite socialement. Serge Cottet nous interroge : « l’oreille n’est-elle charmée que par l’harmonie, l’accord parfait, la résolution des dissonances ? La dissonance, les nœuds, n’est-ce pas ce que l’inconscient a de commun avec la musique moderne : une grimace du réel ? (…) L’objet a en musique n’est pas le réel nu de l’inaudible, mais le couac qui défait toute signification et tout confort harmonieux : comme les applications de l’électroacoustique, l’espace-son, la sphère, les nœuds sont les paradigmes incontournables pour penser la musique d’aujourd’hui8. »

Pour nourrir cette réflexion, Nous avons invité notre collègue Philippe Benichou, psychanalyste, membre de l’ECF qui a travaillé ces questions en cartel. Il interviendra sous le titre « Inconscient et création musicale ». Vous trouverez son argument dans l’article présentant la soirée Psychanalyse et Musique « Autour d’Arnold Schoenberg, John Cage et Erik Satie ».

PNGEnfin vous trouverez l’argument du Séminaire interne de l’ACF Normandie dont la première séance aura lieu le samedi 19 novembre, à Rouen. Ce séminaire se propose d’étudier le livre d’Éric Laurent L’envers de la biopolitique. Une écriture de la jouissance  : « Biopolitique » est l’un des noms pour désigner la forme contemporaine du discours du maître. Son envers, le discours de l’analyste, est ici convoqué pour un examen des conditions internes de l’exercice psychanalytique : soit les façons de prendre en compte ce qui traumatise les êtres parlants. Éric Laurent montre le corps comme à la fois source du trauma et lieu d’où parle ce trauma. Le XXIe siècle a fait muter la pratique de la psychanalyse à partir du corps « qui se jouit », ce qu’enseigne J.-A. Miller. » Voilà une des questions qui sera examinée. Pour cela un cartel est au travail, il mettra à ciel ouvert les élaborations de chacun de ses membres. Nous rendrons compte dans POL, au fil de ce séminaire, des avancées du work in progress !

Marie-Hélène Doguet-Dziomba,
Déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Notes :
1 M.-H. Brousse, « Editorial », LCD Ouï ! En avant derrière la musique, p. 4.
2 Ibid.
3 F. Regnault, « Psychanalyse et musique, ou « jouir du déchiffrage » », op. cit., p. 80.
4 Ibid., p. 83.
5 J.-A. Miller, « La voix, aphone », op. cit., p. 138.
6 J.-A. Miller, « Jacques Lacan et la voix », Quarto n°54, juin 1994.
7 F. Regnault, op. cit., p. 84.
8 S. Cottet, « Musique contemporaine : la fuite du son », op. cit., p. 60.

Revenir à L’ACF-Normandie » ou à l’Accueil du site ».
Accéder à l’Agenda ».