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Publié le dimanche 5 juin 2016

Université Populaire Jacques-Lacan

IRONIK ! – Mai 2016

Le bulletin Uforca numéro 16

Ce rien qui est quelque chose !

Imaginez la poupée de la chanson de Michel Polnareff, qui fait non, non, non, non non !

Tente-elle, cette poupée de faire de son refus un désir, comme la belle bouchère
évoquée par Lacan ? Se fait-elle maigre par obéissance aux diktats du milieu de la mode diffusés dans les magazines ? Se fait-elle maigre par résistance inconsciente aux programmes nutritionnels, par retour de flamme de la biopolitique ? Se nourrit-elle de ce rien qui est quelque chose, objet réel qu’elle mange et qui finit par la dévorer ? Choisit-elle le rien par rapport au tout que les discours modernes lui proposent de consommer ? Que chiffre-t-elle de l’indéchiffrable qu’elle ne veut pas savoir, en comptant les kilos à perdre, ceux qu’elle perd, les calories qu’elle avale. C’est particulier cet autoérotisme de son corps, bouche ouverte sur le rien, qui a néanmoins besoin des semblants pris dans le champ de l’Autre.

À plusieurs reprises dans son enseignement, au moment où il opère des scansions théoriques, Lacan interroge la question de l’objet dans l’anorexie ; c’est qu’un analyste a à apprendre de cette clinique. Dans une cure, ne doit-il pas en effet, selon la formule de Jacques-Alain Miller « prendre l’enveloppe du rien », son manteau ? Car ainsi il donne chance à la demande de se déplier, à l’objet rien de prendre une consistance logique et au sujet d’apercevoir quel objet rien il a incarné à son insu dans le désir de l’Autre ?

N’est-ce pas pour cela qu’un analyste apprend tout au long de sa formation à faire le mort, après avoir lui-même beaucoup parlé, pendant beaucoup de temps, pour supporter de se taire ?

Pour que le rien change de camp !

Ironikement vôtre !

Marie Laurent

Le billet du cartel : De la mine de rien, à l'absence savourée !

Creuser un sujet, c’est aussi déplier une référence de Lacan. Ici, c’est cette goûteuse expression tirée du Séminaire IV, La Relation d’objet1, « l’absence savourée » qui réunit les quatre auteurs. Elles déplient leur réflexion sur l’addiction au rien, dans l’anorexie mentale prise comme exemple.

Le texte de Carole Dewambrechies-La Sagna reprend à nouveaux frais la question mais cette fois c’est : « cinquante nuances d’anorexie, comme on dit cinquante nuances de gris » ! L’accent est mis sur la question de l’objet et surtout de la jouissance, comme sur la singularité des cas. La logique de l’analyse de ces nuances n’en est cependant pas moins rigoureuse.

Le texte de Valérie Péra trace un parcours temporel dans l’enseignement de Lacan qui commence en 1938, relève-t-elle. Le complexe de sevrage, l’opposition de la voie de l’amour à celle de l’angoisse, le rien de l’absorption qui se répercute sur le rien de la demande, jusqu’à la bouche qui se referme sur le rien, angoissante pour celui qui reste « en dehors » et représente l’autre. Puis le dernier enseignement de Lacan sur la question de la jouissance, particulièrement du côté féminin.

Ces références sont interrogées de façons neuves, gaies, appétissantes. Elles résonnent dans les textes, comme dans ceux de Solenne Albert et Rosana Montani.

Ils interrogent et illustrent l’expression lacanienne, « l’absence savourée », par une lecture fine d’« auto-fictions » ou de cas cliniques. Le précis, le précieux, les détails sont d’autant plus en avant que l’objet rien passe hors du symbolique, et glisse vers le réel.

Mais il n’y a pas que la gaieté. Il y a aussi l’angoisse,la question « peut-il me perdre ? », par exemple, est posée, dans un recours assez absolu, sous la forme de « comment affirmer une identité propre dans l’effacement ? », comme solution devant l’énigme du désir de l’Autre. Vous trouverez la référence de la citation dans le texte de Solenne Albert, mais Carole Dewambrechies comme Valérie Péra nous la commentent.

Comme une avant-première des travaux préparatoires des Journées de l’École de la Cause freudienne, l’objet regard surgit en compagnie du désir de savoir (ou pas) ; les rêves de Lucie la bien nommée, dans le texte de Carole Dewambrechies, méritent une lecture attentive et même des relectures au-delà de l’enchantement.

Et bien sûr, en dessert, tiens ! oui, de la clinique. Carte forcée ou douceur pour
terminer ? Vous verrez des références originales, interrogées à nouveaux frais, laissant leur part d’énigme...

Catherine Grosbois

Notes :
1 Lacan J., Le Séminaire, Livre IV, La relation d’objet (1956-1957), texte établi par J.-A. Miller, Paris, Le Seuil, coll. Champ freudien, 1994.

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LE CORPS ET L’ANOREXIE- UN OBJET PARTICULIER
Carole Dewambrechies-La Sagna
Il y a quelque chose de l’accrochage toxicomaniaque à l’objet dans l’anorexie mais ce qu’il faut voir c’est que cet objet est un objet spécial, c’est rien ou plus exactement le rien. Lacan a fait valoir la place centrale de l’objet rien dans l’anorexie. Cela a permis une avancée considérable dans la prise en charge de ces patient(es). Il fait valoir que la position de l’anorexique n’est pas de ne rien manger, comme on pourrait le penser mais de manger rien, le rien. Pour le clinicien comme pour l’analyste, il faut se rompre à la logique du rien. C’est un préalable indispensable pour le traitement de qui a affaire à cet objet particulier…

L’ANOREXIE : DE LA SOLUTION AU SYMPTÔME. PAS SANS ANGOISSE
Valérie Péra Guillot
Lacan s’est intéressé à l’anorexie dès 1938 dans ‘ Les complexes familiaux ‘ et cet intérêt s’est maintenu jusqu’à la fin de son enseignement…

LE REFUS DE L’ANOREXIQUE
Solenne Albert
Dans son livre autobiographique, Jessica L. Nelson décrit la longue période d’anorexie qu’elle a traversée, durant son adolescence. Elle décrit le sentiment qu’elle avait de tenir l’Autre à sa merci avec son refus…

JOURS SANS CORPS
Rosana Montani-Sedoud
Le premier livre de Delphine de Vigan, Jours sans faim, a été publié sous le pseudonyme de Lou Delvig. Cet ouvrage ne s’inscrit pas comme un témoignage personnel sur l’anorexie…

Sans pré-juger !
UNE DIFFICILE GOUVERNANCE
Jacqueline Dhéret
La loi de mai 2013 qui a étendu le « mariage aux couples du même sexe », a bouleversé un principe du droit civil que les traditionalistes de toutes tendances, se sont empressés de ramener à la question du mariage homosexuel…

institutions ? tu parles !
1001 FABRIQUES DE PARLÊTRE
François-Xavier Fénérol
Entreprise de masse / mille et une fabriques de parlêtre, telle serait l’alternative éthique et politique à laquelle des praticiens donneraient corps dès lors qu’ils s’orientent du réel…

MYRIAM PERRIN INTERVIEWE EMMANUELE BORGNIS DESBORDES
A partir de la phrase de Lacan : « pour comprendre la phénoménologie de l’anorexie mentale. Ce dont il s’agit dans le détail, c’est que l’enfant mange rien, ce qui est autre chose qu’une négation de l’activité.
De cette absence savourée comme telle, il use vis-à-vis de ce qu’il a en face de lui,
à savoir la mère dont il dépend. »…

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