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Publié le jeudi 26 mai 2022

52es Journées de l’ECF - 19 et 20 nov. 2022

JE SUIS CE QUE JE DIS - Dénis contemporains de l’inconscient

3 interprétations du thème des J52

Les 52es Journées de l’Ecole de la Cause freudienne se tiendront les 19 et 20 novembre.

JE SUIS CE QUE JE DIS

Dénis contemporains de l’inconscient


Elles sont organisées sous la direction d’Alice Delarue, Anaëlle Lebovits-Quenehen et Éric Zuliani.


Avant d’avoir de plus amples renseignements vous trouverez ci-dessous le premier des trois arguments des co-directeurs de ces journées : celui d’Alice Delarue.


L’argument dAlice Delarue :


Le cogito et l’inconscient

« Je suis ce que je dis1 ». Avec cette formule, qui donne son titre aux 52e Journées de l’École de la Cause freudienne, Jacques-Alain Miller nous éclaire sur une torsion contemporaine du « Je pense, donc je suis » cartésien. Ce nouveau paradigme épingle un trait de la subjectivité de notre temps, trait qui concerne au plus haut point le rapport à la parole et à l’inconscient, et donc la praxis de la psychanalyse. Lacan a en effet démontré que le moment du cogito était corrélatif d’une mutation décisive de la science et qu’il signait l’apparition d’un nouveau sujet, qui se spécifie de s’être préalablement délesté de tout savoir subjectif pour pouvoir produire le savoir certain de la science. Bien que celle-ci soit « une idéologie de la suppression du sujet2 », le sujet de la science est paradoxalement celui sur lequel la psychanalyse peut opérer, dans la mesure où il lui est possible de se laisser diviser en consentant à se séparer de ses intuitions, de ses croyances, de ses affects, de ses identifications. C’est ce moment cartésien qui a ouvert la possibilité de l’invention de la psychanalyse et de son objet, le savoir inconscient – dont le discours scientifique n’a cure.

Un savoir emmerdant

Le sujet préfreudien n’était pas sans entretenir un rapport d’amour à l’inconscient, sous les espèces de la recherche de la connaissance. Depuis l’invention de la psychanalyse, il y a toujours eu ceux qui s’orientent des discours établis, qui se passent très bien du savoir inconscient, et ceux pour lesquels quelque chose cloche au point qu’il leur est nécessaire d’en passer par l’expérience de la cure. Cependant, indique Lacan, du fait du succès de la psychanalyse, pour « la première fois dans l’histoire, il vous est possible […] de refuser d’aimer votre inconscient, puisque enfin vous savez ce que c’est : un savoir, un savoir emmerdant3 ». Ce savoir emmerde le sujet, car il implique « le sans pardon, et même sans circonstances atténuantes4 » quant à sa responsabilité devant la vérité, une fois qu’il l’a entraperçue dans sa dimension d’horreur. Si le discours analytique reste scandaleux, c’est qu’il va à rebours de la pente commune, qui est celle du refus ou de l’écrasement de ce réel.

Nouveaux dénis de l’inconscient

Freud et Lacan nous ont enseigné sur les différentes façons dont l’être parlant peut se défendre du savoir inconscient : refoulement, forclusion, dénégation, mais aussi méconnaissance, résistance, oubli, belle indifférence… Le sous-titre de ces Journées met l’accent sur les nouvelles formes de déni, parmi lesquelles on pourrait situer le refus, la haine, le désamour de l’inconscient, ainsi que l’autoaffirmation de soi, en tant qu’elle obture la place de ce savoir dans les intervalles de la parole.

Parmi ceux qui pensent pouvoir être ce qu’ils disent, il en est ainsi certains qui, fondamentalement, refusent d’être dupes du Père, de cette figure de l’Autre qui peut orienter le destin du sujet en disant non à sa jouissance, tout en supportant cette limitation de l’amour. Or, comme l’a épinglé Lacan, les non-dupes errent au sens où leur refus les rend plus dupes encore du lieu de l’Autre qu’ils reconstituent dans l’imaginaire. Leur erreur, qui n’est donc pas « l’erreur commune5 », c’est d’imaginer que leur vie n’est qu’un voyage et qu’ils peuvent cheminer comme bon leur semble dans le monde – tant qu’ils restent à l’écart de la grand-route.

Il est patent que, dans le champ de la sexuation, de plus en plus de sujets refusent d’être « signifié[s] phallus par le discours sexuel, qui […] est impossible6 » et pensent avoir les coudées franches pour s’autodéterminer. Si Lacan a pu dire que l’« être sexué ne s’autorise que de lui-même […] et de quelques autres7 », il oppose aux non-dupes que « Ce que vous faites, […] sait ce que vous êtes8 ». Le discours peut s’affirmer haut et fort, la parole se déployer tant et plus, un réel auquel l’être parlant a affaire insiste et peut se lire dans ses actes, dans son rapport aux autres et dans ce qu’il fait de son corps.

La rencontre avec le désir de l’Autre se fait toujours sous l’égide du malentendu. Il marque le corps du sujet et le coince dans un certain nœud qui ne lui donne aucune essence, aucune identité. Mais il détermine un mode de jouissance et crée un savoir dysharmonique là où il y a un trou. Le non-dupe est celui qui ne consent pas à la méprise, en tant qu’elle est « la forme propre de la prise du savoir inconscient9 ». La psychanalyse parie que si l’être parlant a le courage de se laisser interpréter par ce savoir qui est un chancre, s’il consent à s’en faire la dupe, à l’aimer, alors celui-ci peut lui offrir la chance de moins errer.

Alice Delarue
Codirectrice des J52

Notes :
1 Miller J.-A., intervention lors de « Question d’École », École de la Cause freudienne, Paris, 22 janvier 2022, inédit.
2 Lacan J., « Radiophonie », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 437.
3 Lacan J., Le Séminaire, livre XXI, « Les non-dupes errent », leçon du 11 juin 1974, inédit.
4 Ibid., leçon du 11 décembre 1973.
5 Lacan J., Le Séminaire, livre XIX, …ou pire, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2011, p. 17.
6 Ibid.
7 Lacan J., Le Séminaire, livre XXI, « Les non-dupes errent », op. cit., leçon du 9 avril 1974.
8 Ibid., leçon du 11 décembre 1973.
9 Miller J.-A., « Commentaire du “Séminaire inexistant” », Quarto, n° 87, juin 2006, p. 14.

Télécharger l’argument d’Anaëlle Lebovits-Quenehen :



Pour lire les arguments des 3 co-directeurs :
- l’argument d’Eric Zuliani
- l’argument d’Anaëlle Lebovits-Quenehen
- l’argument d’Alice Delarue

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