Publié le mercredi 18 mai 2022

Vers le colloque de l’ACF en Normandie...

Newsletter #3 - « Paroles ... Paroles ... »

QUELLES PAROLES POUR QUELLE PRATIQUE ? Paroles standardisées, paroles inutiles et fécondes, parole impossible.

A l’occasion de ce colloque, David Coto, psychologue, nous fait partager la surprise d’un auteur quand trois mots lui traversent la tête et le poussent à écrire « comme à son insu » … pas n’importe quelle histoire ! David, nous t’écoutons nous en dire plus…

David Coto est psychologue clinicien. Il est orienté par la découverte freudienne, les enseignements de Jacques Lacan et de Jacques Alain Miller.

Alors que je rentrais de mon travail en écoutant, comme à mon habitude, ma radio préférée, je suis tombé par un heureux hasard sur une interview d’Eric Fottorino. Il était invité à l’occasion de la parution, en podcast, d’une nouvelle qu’il a écrite.
« La pêche du jour¹ », puisque c’est ainsi qu’elle est titrée, évoque de façon percutante, dérangeante, la tragédie qui se joue en méditerranée. Des êtres humains, qu’on appelle « des migrants », périssent dans la quasi indifférence, « notre crime d’indifférence » dit l’auteur. En voilà la teneur : un dialogue banal nait entre un pêcheur qui fait commerce de migrants noyés et quelqu’un qui passe devant son étal…

La réponse d’Eric Fottorino au journaliste qui lui demande comment lui est venu l’idée d’une telle écriture, m’a aussitôt fait penser à notre colloque et à l’incroyable fécondité de la parole inutile : « Un soir de juin, très tard, pour tout vous dire j’allais dormir, et y a trois mots qui m’ont traversé la tête, et ces trois mots c’était Le yéménite plus fin que la bonite. Et je me suis demandé pourquoi j’avais ces mots dans la tête. (.…) Vous voyez quand vous allez vous laver les dents, et que vous avez des mots comme ça, vous ne pouvez plus aller dormir, je suis retourné dans mon bureau, j’ai rallumé la lumière, j’ai allumé mon ordinateur ; ce dialogue c’est comme s’il s’était écrit à mon insu. Je n’ai pas réfléchi ; ça faisait pas des semaines où je me disais : il faut que j’écrive un texte. C’est pas du tout ça. Ce qui est assez mystérieux dans l’écriture, quelque fois, pas toujours, c’est ce jaillissement. C’est des voix qui sont en vous et qui s’expriment comme vous l’avez dit, entre ce drôle de pêcheur et cette drôle de cliente […] Rien n’était prévu depuis le début […] Ça me laisse penser que la littérature c’est quand même quelque chose de magique, ça vous dépasse vous-même, ça reste un mystère à mes propres yeux, puisque j’ai été comme ça saisi par ces mots ».

Il y a d’abord une parole inutile qui surgit à l’insu de son auteur et le saisit, « Le yéménite plus fin que la bonite ». Ce surgissement impacte son corps, un indicible éprouvé dans le corps le condamne à l’insomnie. Cette jouissance autistique le pousse à un travail d’écriture, il y a un pousse à l’écriture comme pour border cet indicible éprouvé dans le corps lié au surgissement de la parole inutile. La jouissance d’abord autistique emprunte donc la voie du signifiant et ainsi, par l’accusé réception de quelques autres, devient œuvre littéraire.

Je ne peux que vous conseiller d’écouter cette interview dans l’émission « Popopop » sur France Inter à la rubrique « Replay ». Écoutez, ou lisez cette nouvelle « La pêche du jour », vous y entendrez combien la parole inutile (« Le yéménite plus fin que la bonite ») est féconde !

Rendez-vous le 4 juin !

Note :
¹ Eric Fottorino, « La pêche du jour », éd. Philippe Rey, 2022.

Télécharger l’affiche du colloque :

Renseignements et inscriptions auprès de Laurence Morel :
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Pour préparer le colloque QUELLES PAROLES POUR QUELLE PRATIQUE ? Paroles standardisées, paroles inutiles et fécondes, parole impossible., on peut lire :
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