Publié le jeudi 30 septembre 2021

L’Edito de la déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Calligraphies

Octobre 2021

Un lapsus et son usage :

L’assemblée consultative commence. Je lis le préambule que j’ai écrit en ouverture du pré-rapport.

Dès les premières phrases, toute à ma concentration, j’achoppe sur l’adjectif « pratique » en cherchant un usage de substantif. « La pratique lacanienne ». Non, cela ne s’insère pas dans mes phrases. Je m’y reprends deux fois, puis me plie à ce que je lis, qui est proprement la « conséquence pratique », soit un usage d’adjectif. Les sourires que je vois sur les visages qui apparaissent à l’écran m’encouragent à reprendre, puis à poursuivre. Je crois que j’ai souri à mon tour.

Dans la suite de nos échanges Eric Zuliani, notre vice-président, reprend ce lapsus pour souligner la distinction de notre pratique, et les effets pratiques de l’orientation lacanienne dans la clinique la plus quotidienne. Il oppose la pratique lacanienne (ou pas) et ce qu’il y a de pratique dans un concept. En effet il est certain qu’actuellement, le mot « concept » n’évoque pas quelque chose de pratique. Et pourtant.

Voilà que Lacan nous a enseigné que justement, il n’y a rien de plus « pratique » qu’un concept. Penser en « concepts » c’est organiser sa pensée, ou lire ses actes ; et s’y retrouver pratiquement dans la théorie.

Nous rions, et puis… La parole circule entre nous légèrement, chacun intervient à son moment, les propositions fusent, c’est un peu désordre, je le fais remarquer. Mais raté, cela ne plombe même pas l’atmosphère, la conversation se poursuit, l’un après l’autre. On rebondi sur des propositions, on apporte des correctifs, des précisions.

Et encore un moment d’interprétation : Marie Izard parle de l’effet cette année d’un mouvement qui témoigne dans les cartels d’une volonté d’inscription. Là où les cartels étaient rebutés par l’inscription dans un catalogue, voilà que les choses se rangent, se mettent en place. « La pandémie a posé l’inscription » dit-elle. De nouveau, Eric Zuliani souligne que d’autres ACF ont témoigné du même mouvement.

D’où l’émergence de l’idée que, dans le Champ freudien, la réaction au surgissement d’un « réel » qui change profondément les rapports entre les « parlêtres », produit un effet qui témoigne d’un effort d’écriture suffisant pour être apparent. Et avec cela l’émergence du renouvellement des personnes qui sont au travail dans les cartels.

Bien sûr nous saluerons comme il convient l’achèvement de la mise en catalogue de la bibliothèque ! Hourrah ! Il y a 3500 ouvrages. Rien que cela.
Et aussitôt chacun y va de ce qui ne fonctionne pas encore, mais pourquoi, et aussi il faut et ! Enfin, comme d’habitude. Mais le rire n’est pas loin, le rire de notre insatisfaction, toujours inassouvie ; et la satisfaction du travail accompli non plus.

Je me remémore la phrase de Lacan, lue dans ce texte des Autres Ecrits, la conclusion de la journée sur les psychoses de l’enfant : « Quelle joie trouvons-nous dans notre travail ? »

Oui, cette question de la jouissance, et quel objet elle implique, est la question éthique. La jouissance a cette face terrible de destruction que les cliniciens connaissent. Mais elle peut, bornée par le principe du plaisir, être satisfaction.
Oui, l’inconscient, comme possible, mais aussi non advenu, peut faire réfléchir, et plutôt joyeusement. Comme Freud l’avait noté : le rire, souvent, accueille la reconnaissance de la pensée inconsciente. L’allègement en était sensible pour moi.

Je vous encourage à lire de près notre rapport. Et aussi, pour les membres de notre association, l’excellent compte rendu de nos discussions qui va leur être transmis.

Voilà, la « mise en pratique » concrète d’une réunion de personnes averties du « pratique » de l’enseignement de Jacques Lacan. Vivant de nouveau : « Redivivus » comme le titre le numéro hors-série d’Ornicar.

Bon travail,

Catherine Grosbois Déléguée régionale de l’ACF en Normandie.

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