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Publié le mercredi 14 avril 2021

Université Populaire Jacques-Lacan

IRONIK ! – Avril 2021

Le bulletin Uforca numéro 46




 {LE RIRE d'EOLE}


Si loin si proche


Pourquoi et comment écrire sur l’exil lorsque l’on a les deux pieds sur la terre qui nous a vu naître, lorsque l’on se fond « charnellement dans la topographie d’un lieu1 » comme l’écrit Gabriel Faye, lui qui a vécu le génocide rwandais, lui qui a dû brutalement quitter son pays en même temps que son enfance.
Il est un exil, qui n’est ni d’espace ni de lieu, qui peut équivaloir « à être déterré (desterrado), littéralement hors de la terre, sans terre, en dehors du monde des vivants2 ». Ainsi, Stefan Zweig, amoureux de sa langue maternelle, sa seule patrie, exilé au Brésil pour fuir la barbarie nazie, ne trouva plus dans ce pays lointain, qui l’avait accueilli, « l’espace vital et le salut recherchés à l’amoureux de la langue allemande qu’il restait malgré son perpétuel exil3 ».
Il fit sonner la langue maternelle comme matrice nécessaire, dont les retrouvailles impossibles firent le berceau du passage à l’acte.
Si l’exil de la langue est de structure, les effets sont plus tranchants chez certains.
Pourtant, là où nous ne sommes plus, sans jamais cesser d’y être4, n’est-ce pas ce qui s’éprouve au terme de l’analyse ? Ce point où se produit la trace à jamais inscrite5, « de la voix d’avant toute nomination6 », n’est-ce pas ce point d’où tout s’origine, à jamais inatteignable, et qui se cerne pourtant ? Exilés du point de l’origine, nous le sommes, chacun. Le point d’où, qui peut être produit en même temps que peut se dessiner un effet de rebroussement.
Dans « La lettre volée et le vol sur la lettre », Éric Laurent note que, pour que ça s’opère, un certain vide a à s’introduire, « entre l’identification au signifiant-maître et la chaîne inconsciente7 ». Et c’est par l’apport de François Cheng, qui a connu des épidémies, la guerre sino-japonaise de 1937 à 1945, vécu les bombardements puis la guerre civile, puis l’exil en France, que Lacan nous mène vers la notion de « Vide-médian agissant8 ». Les mots que Lacan adressa à François Cheng, les voici : « Cher Cheng, vous avez connu plusieurs ruptures dans votre vie. Vous saurez transformer ces ruptures en Vide-médian agissant et reliant pour vous votre présent à votre passé vous serez enfin dans votre temps9. »
Ne pas effacer les ruptures bien sûr, ne pas combler les cassures, mais se tenir là où ça s’est brisé ; « là où la lettre est venue inscrire le littoral, le bord de tout savoir possible, transformer ça en un Vide-médian agissant10 ». C’est de cette place que le lointain, qui était à jamais perdu, peut cesser de rester figé et circuler à nouveau.

Pénélope Fay

Note :
1 Faye G., Petit Pays, Grasset, 2016, p. 13.
2 Bassols M., Lacan quotidien n° 844, 17 juin 2019, publication en ligne.
3 Lacadée P., L’Hebdo-Blog n° 168, 7 avril 2019, publication en ligne.
4 Cf. Blanchot M., De Kafka à Kafka, Folio-essais/Gallimard, 1994, : « Cette existence est un exil au sens le plus fort : nous n’y sommes pas, nous y sommes ailleurs et jamais nous ne cesserons d’y être. »
5 Laurent É., « La lettre volée et le vol sur la lettre », La Cause freudienne n° 43, octobre 1999, p. 45.
6 Ibid.
7 Ibid.
8 Ibid.
9 Ibid.
10 Ibid.

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Avant-goût



L'exil


L’actualité nous rappelle les un an du premier confinement, mais ce sont aussi les dix ans de la guerre civile de la Syrie. Un champ de ruines, six millions et demi de réfugiés syriens hors des frontières, presque autant de déplacés à l’intérieur.

Le terme migrant remplace dorénavant le terme d’immigré dans les discours. Est migrant celui qui n’a pas de place et qui est obligé de migrer, remarque Jean-Charles Troadec1.

Ce numéro d’Ironik ! est particulièrement d’actualité avec ce thème de l’exil !

À l’heure du débat sur la laïcité et le projet de loi visant à lutter contre le séparatisme, le repli communautaire et le développement de l’islam radical, rappelons-nous que Lacan, en 1973, prophétisait la montée du racisme et de la religion : « Laisser cet Autre à son mode de jouissance, c’est ce qui ne se pourrait qu’à ne pas lui imposer le nôtre, à ne pas le tenir pour un sous-développé. […] Dieu, à en reprendre de la force, finirait-il par ex-sister, ça ne présage rien de meilleur qu’un retour de son passé funeste2. »

Philippe La Sagna développe ce thème avec la rencontre de l’exilé, de l’étranger, de l’étranger en soi et hors de soi. L’exil fait partie de la condition humaine, c’est l’exilience où l’être humain doit se détacher de l’origine, sa terre, sa famille, sa tradition pour aller vers soi. Quand un exilé demande l’asile, l’humanité implique l’hospitalité, l’accueil de l’étranger qui va au-delà du secours. Au niveau clinique, le trauma de l’exil prend des formes multiples, le trauma de la séparation, le trauma des épreuves passées et le trauma de la position d’exilé. Il y a au fil des générations une transmission de ces traumas. Une partie du sectarisme islamiste peut être un retour dans le réel de ce qui a été effacé dans une génération avec l’assimilation. L’assimilation est le renoncement à sa propre jouissance perçue comme étrangère et l’adoption du mode jouir de l’autre. P. La Sagna conclut que pour être un homme, il faut aller vers le plus étranger en soi, et nécessairement vers le plus étranger au dehors.

Dans l’article « L’écriture, petite solution face à l’impossible » un journal de bord d’un camp de réfugiés témoigne du quotidien désolé, de la violence présente mais aussi des petites solutions pour y faire face. Dans une autre situation, la trouvaille de l’écriture permet de transmettre dans un bien dire les problèmes rencontrés. Cette écriture n’est pas restée sans effet et permet aussi d’entendre et de subjectiver la voix de chacun.

L’article « De l’exil à la rupture » témoigne des difficultés de la prise en charge d’une jeune exilée, confrontée à la violence et à l’exil de sa famille et de son pays. L’exil rend prégnant la rupture, la perte de repères et d’identité, en plus d’être sans papier.

Les nouvelles mesures du confinement essayent d’enrayer la pandémie mais pas celles des théories complotistes qui s’accélèrent avec Internet. Quentin Dumoulin analyse le phénomène des fausses bonnes nouvelles sur les réseaux sociaux. Comment se fier à celles-ci sans Autre ? Au plus grand nombre de clics ? Paradoxalement dans ce monde virtuel, c’est au corps, au ressenti, à l’éprouvé corporel, au gut feeling, soit la jouissance, auxquels le sujet se fie le plus.

La rencontre avec l’Autre sexe interroge le jeune adolescent Ellis dans Mud, film de Jeff Nichols. Camilo Ramirez déplie finement les aventures d’Ellis sur les rives du Mississipi. Ellis se rend compte qu’avec les filles, nulle route n’est déjà tracée.

La psychanalyse en laissant une place au réel, à la singularité absolue permet une ouverture à la différence, à l’altérité au lieu du rejet, de l’exclusion et de la ségrégation. C’est ce dont témoignent les différents articles de ce numéro d’Ironik !.

Lisa Huynh-Van

Notes :
1 Cf. Troadec J.-C., « Rolling Stone pour Lampedusa », Lacan quotidien, n°735, 10 juillet 2017, publication en ligne.
2 Lacan J., « Télévision », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 534.

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<span style="color:#FFA500;">TRAVAUX D'UFORCA</span>


A LA UNE


Exil et migration
Philippe La Sagna, Section clinique de Bordeaux

L’exil est une modalité du traitement de la condition humaine dont l’issue joue sa partie entre secours et hospitalité, fraternité et assimilation. La fraternité alimente l’exclusion, l’assimilation est une modalité de renoncement, renoncement à la jouissance pour se prêter à celle de l’Autre. Philippe La Sagna nous livre ici un texte orienté par l’histoire et l’actualité des sujets migrants Lire la suite


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L’écriture, petite solution face à l’impossible
Section clinique de Lyon, antenne de Grenoble

Face aux situations extrêmes, ici un camp de réfugiés laissé à l’abandon, un réseau de prostitution se fomentant dans un foyer d’accueil de jeunes, le risque de découragement, de renoncement et/ou de passage à l’acte est grand. Face à la tâche impossible de « sauver », et afin d’éviter le rejet, ouvrir un espace où faire entendre sa voix, ou bien se faire passeur de celle de l’autre, par l’écriture, c’est déjà un acte ; un premier acte de courage car « ne demande que faire celui dont le désir s’éteint » (Lacan). Lire la suite

De l’exil à la rupture
Section clinique de Nice

Il y a plusieurs formes d’exil. Qu’il soit imposé par un arbitraire abject ou décidé dans la souffrance, comme l’actualité nous le montre au quotidien, l’exil est une rupture, un déracinement de sa culture, de sa langue, de sa famille, de tout ce qui faisait lien social pour le sujet. Lire la suite


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SMARTWEB


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Les réseaux socio-numériques ont envahi la vie quotidienne des sujets où ce qui s’ouvre est un « ce qui ne cesse pas de cliquer » dont l’horizon est un plus-de-jouir. Quentin Dumoulin nous embarque vers cette nouvelle constellation des réseaux et de ses effets sur le sujet. Lire la suite


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